Un peu partout, dans
Paris et sa région des hommes, des femmes et des enfants marchent.
Ils sont en grande
majorité des immigrés.
D'habitude, ils passent
inaperçus.
Ils quittent rarement
leurs réserves et les lieux où ils triment.
Et les voilà subitement
en masse.
Comment est-ce possible
?
Comment osent-ils
devenir visibles ?
- Moi monsieur, j’ai
toujours su, oui toujours su, que Charles Martel arrêta les musulmans à
Poitiers et les chassa hors de France.
- Et ça c’est quoi en
plein Paris au jour d’aujourd’hui ?
- Ils furent même
chassés d’Espagne et d’autres contrées d’Europe et d’ailleurs par nos forces,
oui monsieur. On n’a pas voulu de l’islam, nous monsieur.
- Mais ça c’est
quoi ?
- Puis écrasés partout
et je ne parle pas des croisades. Nous avons fait un travail magnifique, du
travail à plein temps, monsieur. À plein temps. Oui monsieur.
- Meeerde. Et ces
bicots, ils viennent d’où alors ?
Ils marchent.
Des hommes, des femmes,
des enfants.
Depuis combien de temps
?
Quelle distance ont-ils
parcouru ?
Pour eux, le temps ne
compte pas et ils ne mesurent pas l'espace.
Un immense souffle est
en eux.
Le but est dans leur
coeur et rien de ce qui est éphémère ne les atteint.
Ce qui doit être sera.
Ils s'approchent de la
Seine au rythme de battements tels ceux du coeur de la mère que tout enfant
béni garde en lui.
Une marche pleine
d’espoir.
On aurait dit l'aurore
de la vie.
Un peu partout, des
rangs noirs formés par des forces dites de l'ordre.
Par moments, de lourds
nuages voilent la clarté du jour.
Mais pour ces êtres qui
marchent, le ciel est d'un magnifique éclat et la Seine est radieuse.
Mohammad sourit à sa
mère qui lui caresse les cheveux, et serre fort la main de son père.
Dans un bistrot du
quartier Latin, affalés au comptoir, devant un énième verre de vin rouge, deux
semblants d’êtres humains continuent de vociférer :
- À plein temps. Oui
monsieur.
- Mais qu’est-ce qu’on
attend pour écraser cette merde ? Mort aux rats.
Les rangs noirs
explosent, des véhicules ternes vrombissent.
L'arsenal du maintien de
l'ordre se répand en un déversement de haine.
Les marcheurs sont
encerclés.
Dans Paris et sa région,
plus de douze mille arrestations.
Des camps de détention
et de torture.
Des blessés.
Des tués.
Des corps d'hommes, de
femmes et d'enfants jetés dans la Seine.
Des moyens dits
d'information ont informé :
Des semeurs de désordre,
terroristes musulmans, ont été mis hors d’état de nuire.
La liberté.
Taratata.
L’égalité.
Taratata.
La fraternité.
Taratata.
Le
ciel infini est bleu.
Le
fleuve coule.
Je
le regarde.
Je vois ceux qui y ont
été jetés le 17 octobre 1961[4] : ils continuent
de marcher sur l’eau avec d’autres.
Des
hommes, des femmes, des enfants.
Le ciel et le fleuve se
rejoignent, se confondent, font jaillir des images, des couleurs, des formes,
des mouvements, des sons.[5]
BOU’AZZA
[1] Le mot ʺindigènesʺ est une appellation
arrogante et méprisante donnée par le colonialisme, la métropole, aux
populations des territoires colonisés, la colonie.
Les originaires
d’Afrique, les nègres, les bamboulas, même français, et surtout les bougnoules,
les bicots, les ratons, les melons, même français, c’est à dire les arabes,
donc les musulmans, car pour la métropole c’est du pareil au même.
La métropole recours
sciemment à l’amalgame, à la confusion entre ʺethnieʺ, ʺcroyanceʺ,
ʺdélinquanceʺ.
Ainsi, pour parler
d’hommes et de femmes originaires d’Afrique du Nord par exemple, des
ʺmaghrébinsʺ, la métropole use de connotations négatives pour dire les
ʺarabesʺ, c’est à dire les ʺmusulmansʺ, autrement dit des ʺviolentsʺ, des
ʺvoleursʺ, des ʺvioleursʺ, des ʺassassinsʺ, des ʺterroristesʺ et autres.
[2] Le ʺrʺ
roulé.
[3] Crime contre
l’humanité.
[4] Selon le calendrier
dit grégorien.
fais que reprendre ce dont j’ai déjà parlé.
[5] Se reporter au
texte intitulé Ainsi parle un musulman de France né au Maroc,
page 78-80, France 1992.
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire