dimanche 17 octobre 2021

17 OCTOBRE 1961, MASSACRE À PARIS

Un peu partout, dans Paris et sa région des hommes, des femmes et des enfants marchent.
Pour soutenir la résistance des indigènes[1] au Maghreb,[2] contre le colonialisme français.[3]
Ils sont en grande majorité des immigrés.
D'habitude, ils passent inaperçus.
Ils quittent rarement leurs réserves et les lieux où ils triment.
Et les voilà subitement en masse.
Comment est-ce possible ?
Comment osent-ils devenir visibles ?
- Moi monsieur, j’ai toujours su, oui toujours su, que Charles Martel arrêta les musulmans à Poitiers et les chassa hors de France.
- Et ça c’est quoi en plein Paris au jour d’aujourd’hui ?
- Ils furent même chassés d’Espagne et d’autres contrées d’Europe et d’ailleurs par nos forces, oui monsieur. On n’a pas voulu de l’islam, nous monsieur.
- Mais ça c’est quoi ?
- Puis écrasés partout et je ne parle pas des croisades. Nous avons fait un travail magnifique, du travail à plein temps, monsieur. À plein temps. Oui monsieur.
- Meeerde. Et ces bicots, ils viennent d’où alors ?
Ils marchent.
Des hommes, des femmes, des enfants.
Depuis combien de temps ?
Quelle distance ont-ils parcouru ?
Pour eux, le temps ne compte pas et ils ne mesurent pas l'espace.
Un immense souffle est en eux.
Le but est dans leur coeur et rien de ce qui est éphémère ne les atteint.
Ce qui doit être sera.
Ils s'approchent de la Seine au rythme de battements tels ceux du coeur de la mère que tout enfant béni garde en lui.
Une marche pleine d’espoir.
On aurait dit l'aurore de la vie.
Un peu partout, des rangs noirs formés par des forces dites de l'ordre.
Par moments, de lourds nuages voilent la clarté du jour.
Mais pour ces êtres qui marchent, le ciel est d'un magnifique éclat et la Seine est radieuse.
Mohammad sourit à sa mère qui lui caresse les cheveux, et serre fort la main de son père.
Dans un bistrot du quartier Latin, affalés au comptoir, devant un énième verre de vin rouge, deux semblants d’êtres humains continuent de vociférer :
- À plein temps. Oui monsieur.
- Mais qu’est-ce qu’on attend pour écraser cette merde ? Mort aux rats.
Les rangs noirs explosent, des véhicules ternes vrombissent.
L'arsenal du maintien de l'ordre se répand en un déversement de haine.
Les marcheurs sont encerclés.
Dans Paris et sa région, plus de douze mille arrestations.
Des camps de détention et de torture.
Des blessés.
Des tués.
Des corps d'hommes, de femmes et d'enfants jetés dans la Seine.
Des moyens dits d'information ont informé :
Des semeurs de désordre, terroristes musulmans, ont été mis hors d’état de nuire.
La liberté.
Taratata.
L’égalité.
Taratata.
La fraternité.
Taratata.
Le ciel infini est bleu.
Le fleuve coule.
Je le regarde.
Je vois ceux qui y ont été jetés le 17 octobre 1961[4] : ils continuent de marcher sur l’eau avec d’autres.
Des hommes, des femmes, des enfants.
Le ciel et le fleuve se rejoignent, se confondent, font jaillir des images, des couleurs, des formes, des mouvements, des sons.[5] 
 
BOU’AZZA

[1] Le mot ʺindigènesʺ est une appellation arrogante et méprisante donnée par le colonialisme, la métropole, aux populations des territoires colonisés, la colonie.
Les originaires d’Afrique, les nègres, les bamboulas, même français, et surtout les bougnoules, les bicots, les ratons, les melons, même français, c’est à dire les arabes, donc les musulmans, car pour la métropole c’est du pareil au même.
La métropole recours sciemment à l’amalgame, à la confusion entre ʺethnieʺ, ʺcroyanceʺ, ʺdélinquanceʺ.
Ainsi, pour parler d’hommes et de femmes originaires d’Afrique du Nord par exemple, des ʺmaghrébinsʺ, la métropole use de connotations négatives pour dire les ʺarabesʺ, c’est à dire les ʺmusulmansʺ, autrement dit des ʺviolentsʺ, des ʺvoleursʺ, des ʺvioleursʺ, des ʺassassinsʺ, des ʺterroristesʺ et autres.
[2] Le ʺrʺ roulé.
[3] Crime contre l’humanité.
[4] Selon le calendrier dit grégorien.
fais que reprendre ce dont j’ai déjà parlé.
[5] Se reporter au texte intitulé Ainsi parle un musulman de France né au Maroc, page 78-80, France 1992.
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com 

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