jeudi 21 octobre 2021

« VILLA-PALMIERS »


Avant l’existence de l’autoroute, en arrivant de Rrbaate[1] par la trajet qui longe la côte,[2] l’entrée[3] à Ddaar lbiidaa[4] se faisait souvent par ‘iine ssb’e,[5] à l’Est de la ville.
Sur la droite, dans le jardin d’une demeure coloniale, des palmiers qui donnent de petites dattes appelées « ablouh », sont fermement implantés dans la terre et s’élèvent vers le ciel : c’est la « villa-palmiers ».
Elle était occupée par des personnes de France, avant même que le colonialisme, crime contre l’humanité, ne se soit abattu « officiellement » sur Almaghrib.[6]
Avec « l’indépendance dans l’interdépendance »[7] en 1956,[8] les colonialistes ont vendu la « villa-palmiers » que des gens du pays ont habitée.
Lorsque j’ai connu cette demeure, mon frère cadet y logeait avec son épouse, chez les parents de celle-ci.
C’était à la fin des années soixante dix je crois.
À cette époque, j’ai devancé de quelques mois ce frère cadet en France.
Moi pour des études universitaires et lui pour travailler.
Il n’avait pas encore dix-huit ans.
Mon père, haut fonctionnaire, n’avait aucun mal à lui procurer un passeport avec une fausse date de naissance qui faisait de lui un jeune majeur,[9] afin de l’envoyer en région parisienne, trimer à Sochaux, sur la chaîne de fabrication de voitures.
Il lui avait demandé de prélever sur son salaire une certaine somme, et de me la remettre car je n’avais pas de bourse d’études.[10]
C’est ainsi que mon frère s’est trouvé en région parisienne, à 600 kilomètres de l’Université où j’étais inscrit.
J’ai refusé de rentrer dans la combine de notre père.
Je découvrais le travail à la chaîne et ce que subissait mon frère cadet.
Au bout de deux ans, je me suis installé en région parisienne et j’ai tout fait pour convaincre mon frère de retourner au pays.
Il l’a fait en 1974 je crois.
En 1977, je suis rentré au Maroc avec mon épouse[11] et notre premier enfant, né en 1975.
Au Maroc, en 1978, nous avons eu un deuxième fils.
Et en 1981, nous avons quitté ce pays pour retourner en France.[12]
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Ce frère[13] s’est marié à la fin des années soixante dix et s’est installé chez ses beaux-parents.
Les parents de l’épouse de mon frère cadet, faisaient partie de la résistance[14] contre le colonialisme.[15]
Avec « l’indépendance dans l’interdépendance », le père a refusé de devenir qaa-i-d.[16]
Il a trouvé du travail au marché de gros à ‘iine ssb’e et s’y est consacré durant de nombreuses années.
Les enfants, filles et garçons, ont grandi dans la « villa-palmiers », se sont mariés et ont eu des enfants dans cette demeure.
J’ai toujours pensé que la vie de mon frère cadet avec son épouse et leurs deux filles dans cette demeure, est d’une grande richesse et d’un intérêt particulier.
J’espère qu’un jour, mon frère, ou quelqu’un d’autre, va raconter le temps passé dans cet espace.
Comment le père et son épouse ont fait face aux multiples obligations ?
Comment les divers couples ont cohabité ?
Comment les enfants ont appréhendé tout cela ?
Comment l’Islaam a été le ciment de cette fabuleuse famille ?
2004 marque la fin de la vie ici-bas[18] du père et son départ pour la vie dernière.[19]
Le passage de l’impermanence à la permanence.
Il était âgé de quatre-vingts quatre ans.
« Allaah irhmou ».[20]
L’épouse, âgée et fatiguée,[21] a cependant doublé d’efforts pour continuer d’assumer son rôle.
En 2016, la « villa-palmiers » a été achetée par un milliardaire avec le projet de tout raser, pour laisser place à une entreprise.
Les habitants de la demeure se sont trouvés des logements ailleurs et « villa-palmiers » n’est plus qu’un souvenir.
Ainsi sont les jours qu’Allaah répartit entre les êtres. 
 
BOU’AZZA

[1] Arribaate, ribaate (le ʺrʺ roulé), Rabat.
[2] Almohiite al-a-tlaçii, l’Océan Atlantique.
[3] Après une heure de route (un peu plus de 80 kilomètres).
[4] Addaar albaydaa-e (le ʺrʺ roulé), la maison blanche, Casablanca.
[5] Aïn sbaâ.
La source du lion.
‘iine signifie aussi oeil.
la première lettre du mot ‘iine c’est la lettre ‘ (‘iine) qui n’existe pas dans l’alphabet français, et non la lettre i qui n’est donc pas écrite ici en lettre majuscule.
[6] Le ʺrʺ roulé ? le Maroc.
[7] Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au Maroc, occupé par la France, l’Espagne, et autres, occupation dite ″protectorat″, le système colonialo-impérialo-sioniste a transformé le sultanat moribond, en monarchie héréditaire, dite de "droit divin".
Le sultan, protégé, est alors devenu roi, au service de ce système.
[8] Selon le calendrier dit grégorien.
[9] À l’époque, la majorité en France était fixée à 21 ans.
[10] Par la suite j’ai obtenu une bourse.
[11] Je me suis marié avec une française en 1973.
[12] Et c’est toujours en France que nous sommes installés.
[13] Il est devenu, comme la fille qu’il a épousée, fonctionnaire à la jeunesse et aux sports.
[14] Almoqaawama.
Pour le colonialisme, les résistants sont des terroristes dont il faut se débarrasser par tous les moyens.
[15] Dhidd alisti’maar (le ʺrʺ roulé).
[16] Caïd, cadre du ministère de l’intérieur.
[17] L’Islaam depuis Aadame (Adam) sur lui la bénédiction et la paix, consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
L’Islaam n’est pas une question d’ethnie, de tribu, de clan, de classe sociale, de sexe, de couleur, de langue, de parti politique, de pays, de nationalité, d’Etat.
L’Islaam c’est ce qui unit les croyants et les croyantes(almouminoune wa almouminaate) où qu’ils soient, sur la base du Message d’Allaah, Le Seigneur des univers.
Alqoraane est la continuation, la synthèse, le parachèvement du Message d’Allaah, L’Unique.
Mohammad, l’ultime Messager et Prophète sur lui la bénédiction et la paix (sallaa Allaah ‘alayh wa sallame) a eu pour mission de le transmettre.
[18] Addonyaa.
[19] Alaakhira (le ʺrʺ roulé), l’au-delà.
[20] Le ʺrʺ roulé.
Qu’Allaah lui accorde Sa miséricorde.
[21] Aujourd’hui encore plus âgée et plus fatiguée.
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire