jeudi 8 octobre 2015

PURE


Elle s’appelait Sfiyya.[1]
Elle a quitté l’existence ici-bas, il y a de cela un certain temps déjà.
Je l’ai connue à Lkhmiçaate,[2] à mon retour de France, après des études universitaires.
C’était une « tyyaaba »,[3] une femme à laquelle certaines familles font appel pour veiller sur tout ce qui est culinaire, à l’occasion d’un mariage ou autres rassemblements où les convives sont en grand nombre.
Une « chef cuisinière ».
Cuisiner, ce n’est pas seulement préparer des mets.
C’est observer, réfléchir, se remémorer, cultiver des sensations, transmettre, partager, offrir, témoigner sa reconnaissance au Seigneur des univers.[4]
Un contact avec des êtres, des sons, des images, des couleurs, des parfums, des goûts, et autres.
Un parcours à travers le temps et l’espace.
Sfiyya faisait partie de ces femmes qui savent ce que cuisiner veut dire, qui savent mettre les saveurs de l’amour dans chaque plat, et sans lesquelles les « recettes de cuisine » ne valent rien.
Elle était originaire du Sud du Mghrib,[5] toujours disposée à se déplacer lorsqu’il était fait appel à ses services.
Je ne sais pas comment elle a rencontrée une de mes soeurs, ni comment elle a décidé de rester avec elle, afin de s’occuper des travaux de la maison.
Elle retournait de temps à autre au Sud pour rendre visite à quelques membres de sa famille, mais pas souvent.
Elle était veuve, et n’avait pas d’enfant.
Je l’ai vu en rêve dernièrement.
Nous étions dans une maison ancienne au Mghrib.
Il y avait ma belle-mère[6] et d’autres membres de la famille.
Nous nous préparions pour je ne sais quel événement important, et elle s’activait afin que les préparatifs se déroulent « comme il se doit ».
Son teint noir donnait plus d’éclat à son foulard jaune tout neuf, qui couvrait impeccablement ses cheveux.
Elle m’annonçait que mon frère cadet[7] avait fini de s’habiller, qu’il n’allait pas tarder à me rejoindre,[8] et elle se désolait qu’il ne veuille pas des produits utilisables lors d’une occasion comme celle-ci.[9]
J’ai cherché à la rassurer en lui disant que le refus d’utiliser les produits était sans importance.
Qu’Allaah la couvre de Sa miséricorde, et nous rassemble au « Firdaws ala’laa ».[10]
  
BOUAZZA



[1] Safiyya, pure.
[2] Khémisset, cité au Nord du Maroc.
[3] Du verbe ʺtayyabaʺ, faire cuire.
Tayyaaba,, celle qui fait cuire.
[4] Rabb al’aalamiine (le ʺrʺ roulé).
[5] Maghrib (le ʺrʺ roulé), Maroc.
[6] La troisième épouse de mon père.
[7] De presque deux ans plus jeune que moi.
[8] Je n’étais pas encore prêt.
[9] Crème ou Parfum, ce n’était pas clair dans le rêve.

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