mardi 3 mai 2016

LE LOCATAIRE DE LA PLACE SAINT ANDRÉ Á GRENOBLE


Le locataire c’était moi.
En 1970.[1]
Je louais une chambre au troisième étage.
Numéro cinq Place Saint André.
Un immeuble ancien.[2]
Une chambre chez l’habitant.
Chez les habitantes plus exactement.
Une mère et sa fille.
La mère était veuve.
Son mari, gradé de l’armée française, « a fait les colonies », comme disent encore, avec une fierté non dissimulée, les français qui continuent de chérir le colonialisme.
La fille était enseignante à la faculté des lettres.
Elle enseignait l’anglais.
Épisodiquement, elle collaborait, par quelques écrits sur l’actualité de la ville, au journal « Le Dauphiné Libéré ».[3]
Elle n’était pas mariée.
Sa soeur était installée à Lyon, et venait parfois avec son mari et leurs enfants.[4]
C’est par l’intermédiaire du père d’un français qui travaillait au Maroc avec mon frère aîné, que j’ai eu la chambre.
Le père de ce français était aussi un gradé de l’armée française.
Á la retraite.
Et lui aussi « a fait les colonies ».
Il connaissait bien la veuve.
Ma locataire, qui louait aussi une chambre à une étudiante américaine que je ne voyais presque jamais.
Ma locataire était très gentille.
Sa fille aussi.
Je pense souvent à elles lorsque je retourne à Grenoble.
Et je ne manque pas de faire un tour à la Place Saint André.
Au mois d’avril 2016, j’ai pris connaissance d’une plaque en marbre sur la façade de l’immeuble.[5]
Elle n’a pas été fixée pour signaler que j’y occupais une chambre.
Elle l’a été pour faire savoir qu’un certain Paul-Louis Merlin y est né le 27 novembre 1882, et qu’il a fondé en 1919 à Grenoble, les établissements Merlin Gerin.[6]
Que sont devenues la mère et sa fille chez qui j’ai habité ?
Je l’ignore.
La mère est peut-être morte.
La fille aussi.
Mon fils aîné et son épouse sont installés depuis janvier 2015, à côté de la Place Saint André.
L’épouse est chercheuse dans un laboratoire de neurologie.
Et mon fils, ingénieur, est salarié depuis des années à Paris, où, depuis l’année dernière, il passe deux ou trois jours par semaine.
Il travaille à domicile en utilisant internet et autres.
Mon petit fils apprécie les visites que nous lui rendons, mon épouse et moi.
Et nous sommes toujours contents de le retrouver.
C’est à Grenoble que j’ai connu sa grand-mère.
Nous nous sommes mariés en 1973.
Ainsi sont les jours qu’Allaah répartit entre les êtres.[7]
  
BOUAZZA




[1] Selon le calendrier dit grégorien.
L’année de mes vingt ans.
[2] Il a été refait.
Une de mes soeurs, beaucoup plus jeune que moi, qui a été étudiante à Grenoble aussi, m’a fait savoir il n’y a pas longtemps, que Place Saint André, c’est assez bourgeois.
Je ne le savais pas.
[3] C’est elle qui me l’a fait savoir, mais il m’arrivait rarement de feuilleter ce journal.
Je n’ai donc jamais su ce qu’elle pouvait écrire.
[4] Mon, frère aîné a fait des études universitaires dans cette ville où il a passé presque dix ans.
[5] Que je n’avais pas vu auparavant.
[6] Fondés par Paul-Louis Merlin et Gaston Gerin.
Ancien groupe industriel spécialisé en matériel électronique.
L’entreprise a été rachetée en 1992 par le groupe Schneider SA, et elle  appartient depuis 2009, à Schneider Électric (Wikipédia, internet).

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