Le
locataire c’était moi.
En
1970.[1]
Je
louais une chambre au troisième étage.
Numéro
cinq Place Saint André.
Un
immeuble ancien.[2]
Une
chambre chez l’habitant.
Chez
les habitantes plus exactement.
Une
mère et sa fille.
La
mère était veuve.
Son
mari, gradé de l’armée française, « a fait les colonies », comme
disent encore, avec une fierté non dissimulée, les français qui continuent de
chérir le colonialisme.
La
fille était enseignante à la faculté des lettres.
Elle
enseignait l’anglais.
Épisodiquement,
elle collaborait, par quelques écrits sur l’actualité de la ville, au journal
« Le Dauphiné Libéré ».[3]
Elle
n’était pas mariée.
Sa
soeur était installée à Lyon, et venait parfois avec son mari et leurs enfants.[4]
C’est
par l’intermédiaire du père d’un français qui travaillait au Maroc avec mon
frère aîné, que j’ai eu la chambre.
Le
père de ce français était aussi un gradé de l’armée française.
Á la
retraite.
Et
lui aussi « a fait les colonies ».
Il
connaissait bien la veuve.
Ma
locataire, qui louait aussi une chambre à une étudiante américaine que je ne
voyais presque jamais.
Ma
locataire était très gentille.
Sa
fille aussi.
Je
pense souvent à elles lorsque je retourne à Grenoble.
Et
je ne manque pas de faire un tour à la Place Saint André.
Au
mois d’avril 2016, j’ai pris connaissance d’une plaque en marbre sur la façade
de l’immeuble.[5]
Elle
n’a pas été fixée pour signaler que j’y occupais une chambre.
Elle
l’a été pour faire savoir qu’un certain Paul-Louis Merlin y est né le 27
novembre 1882, et qu’il a fondé en 1919 à Grenoble, les établissements Merlin Gerin.[6]
Que
sont devenues la mère et sa fille chez qui j’ai habité ?
Je l’ignore.
La
mère est peut-être morte.
La
fille aussi.
Mon
fils aîné et son épouse sont installés depuis janvier 2015, à côté de la Place
Saint André.
L’épouse
est chercheuse dans un laboratoire de neurologie.
Et
mon fils, ingénieur, est salarié depuis des années à Paris, où, depuis l’année
dernière, il passe deux ou trois jours par semaine.
Il travaille
à domicile en utilisant internet et autres.
Mon
petit fils apprécie les visites que nous lui rendons, mon épouse et moi.
Et
nous sommes toujours contents de le retrouver.
C’est
à Grenoble que j’ai connu sa grand-mère.
Nous
nous sommes mariés en 1973.
Ainsi
sont les jours qu’Allaah répartit entre les êtres.[7]
BOUAZZA
[1]
Selon le calendrier dit grégorien.
L’année de mes vingt ans.
[2]
Il a été refait.
Une de mes soeurs, beaucoup plus jeune que moi, qui a
été étudiante à Grenoble aussi, m’a fait savoir il n’y a pas longtemps, que
Place Saint André, c’est assez bourgeois.
Je ne le savais pas.
[3]
C’est elle qui me l’a fait savoir, mais il m’arrivait rarement de feuilleter ce
journal.
Je n’ai donc jamais su ce qu’elle pouvait écrire.
[4]
Mon, frère aîné a fait des études universitaires dans cette ville où il a passé
presque dix ans.
[5]
Que je n’avais pas vu auparavant.
[6]
Fondés par Paul-Louis Merlin et Gaston Gerin.
Ancien groupe industriel spécialisé en matériel
électronique.
L’entreprise a été rachetée en 1992 par le groupe
Schneider SA, et elle appartient depuis
2009, à Schneider Électric (Wikipédia, internet).
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