Parfois
il suffit d’un mot.
Il
flânait comme il aime le faire depuis toujours, quand subitement la couverture
d’un livre a capté toute sa perception.
Il
ne voyait plus rien de la brocante dans un parc fleuri au bord du fleuve.
Un
seul mot de la couverture de ce livre et le voilà parti.
« Cèdre ».
Il
est parmi des populations de montagnes dites du Moyen Atlas, au pays du soleil
couchant, Almaghrib,[1] dit
Maroc.
De
l’autre côté de la Mer blanche intermédiaire, albahr[2] alabyad
almotawassite, la Mer méditerranée.
Des
hommes, des femmes, des enfants.
Tel
cet arbre qui fait partie de leur vie, ils sont fermement enracinés dans le sol
et s’élancent vers le ciel infini.
Il
les retrouve pour chanter, avec eux et avec les cèdres, le chant inoublié, le
chant de la louange.
Son
songe prend d’autres aspects.
« Petit
à petit, le nid fait son oiseau ».
L’institutrice
s’arrachait régulièrement les cheveux, devenait, petit à petit, une
« Cantatrice chauve » parce qu’il refusait de répéter après
elle :
« Petit
à petit, l’oiseau fait son nid ».
Il
n’avait aucun respect pour l’ordre qui, dans la logique de l’institutrice,
répond aux « canons de la loi » qui tonnent plus fort et plus
longtemps que les canons tout court.
Canons
et autres armes de destruction massive utilisés par l’Etat colonisateur,
employeur de l’institutrice, pour « pacifier » le pays où l’enfant
est né et imposer à certains « petits indigènes » l’histoire de
« leurs ancêtres les gaulois ».
À
bout de « patience », l’institutrice a fini par alerter les
« autorités compétentes » afin que le nid de l’insoumission cesse
d’être le lieu d’accueil de ce drôle d’oiseau.
Le
nid a été détruit.
L’oiseau,
lui, est toujours en vie.
« Ces
populations doivent se mettre à l’heure de notre logique … nous devons imposer
nos règles … notre discipline … notre grandeur … nous devons les pénétrer
profondément … avant nous, elles n’avaient rien … maintenant, nous allons leur
apprendre à acquérir le sens de notre hiérarchie … à comprendre l’immense intérêt
de la séparation des pouvoirs et … de la distinction entre la vie privée et la
vie publique … de la différence entre le profane et le sacré … nous allons les
éduquer … leur montrer la richesse de l’éducatif et … de la démocratie … de la
liberté … Il nous appartient d’éveiller les consciences … d’assurer la
conscientisation de ces masses incultes et sauvages … pour les intégrer à notre
civilisation … les assimiler … nous devons libérer ces populations de leurs
servitudes qui s’opposent à notre modernisme … les colonies ne se font pas avec
des pucelles ou des rosiers … ces populations ont besoin des maîtres que nous
sommes … sans nous, elles ne peuvent pas penser … elles ne peuvent pas avancer
… nous résister est un crime … il faut donc être sans pitié avec les criminels…
nous sommes les missionnaires de la déclaration universelle des droits de
l’Homme ».
Les
arrières grands-parents maternels et paternels de l’enfant ont résisté.
Ils
ont été tués par le colonialisme.[3]
Des
massacres.
Des
crimes.
Des
carnages.
Des
horreurs.
Des
pillages.
Des
tortures.
Des
viols.
Des
transgressions.
Des
humiliations.
La
mort semée.
La
désagrégation planifiée.
Le
désarroi répandu.
Les
déséquilibres provoqués.
L’harmonie
mutilée.
La
décomposition alimentée.
La
mémoire infectée.
Les
grands-parents, maternels et paternels, dépossédés et chassés, se sont trouvés
parqués dans des bidonvilles, prélude au processus migratoire, une
transplantation plus dure, plus douloureuse.
C’est
dans ce processus que les parents, qui font encore de leur mieux pour vivre et
transmettre leur foi, l’ont introduit.
C’est
la logique de l’oppression, du colonialisme et de l’impérialisme qui ont mis en
place des régimes post-coloniaux et néo-coloniaux dits des
« indépendances »,[4] régimes
qui continuent les crimes les plus abjects, qui terrorisent des populations
dominées, pillées, écrasées, maintenues dans la misère, les maladies, poussées
dans les ténèbres.
Pour
l’enfant, ce qui est référé à un système de valeurs, à un système des échanges,
qui renvoie au respect, à l’ascendant, à la transmission a été chamboulé.
Ce
qui est référé à la contrainte, à la sanction, à la possibilité d’exclure dans
le cadre de la vie avec d’autres a été bouleversé.
L’équilibre
est rompu.
Comment
comprendre l’autorité ?
Comment
percevoir les multiples articulations ?
Les
enjeux ?
Comment
tenir compte des spécificités ?
Comment
cerner les décalages ?
Les
ruptures ?
Les
implications ?
Comment
rassembler les éléments épars ?
Comment
saisir le Sens qui fait Lien ?
Le
mineur délinquant incarcéré va quitter la prison dite « Maison
d’Arrêt ».
Le
magistrat a décidé de ne pas renouveler le mandat de dépôt d’un mois.
Le
greffe du tribunal vient de le confirmer à l’éducateur, chargé en détention du
suivi de ce mineur délinquant incarcéré.
L’éducateur
est allé le voir pour l’informer, lui expliquer que « selon la
procédure », son jugement aura lieu plus tard.
Il
voulait surtout le saluer avant son départ.
Lui
souhaiter « bonne chance ».
Le
magistrat a accepté qu’il retourne, après la prison, chez ses parents et qu’il
ne soit pas éloigné de sa cité, au grand dam de certaines « âmes
charitables », de « professionnels » de la
« socialisation » en tous genres, qui ont demandé, qu’après la
prison, le mineur soit éloigné de ses parents « qui ne sont pas qualifiés
pour assumer leurs obligations » et de sa cité, « repaire de tous les
vices », pour un « séjour de rupture » dans une structure faite
pour « les ducs à tiffes »[5].
Ces
« professionnels » trouvent que les « ruptures » manquent
terriblement dans la trajectoire de ce mineur et veulent, pour lui éviter des
« exclusions », qu’il soit séparé de ses parents « inaptes à
s’occuper de son éducation » et arraché à sa cité « pourrie »
afin de bâtir son « indépendance ».
Ce
mineur délinquant incarcéré, dont les arrières grands-parents maternels et
paternels ont été tués, ainsi que d’innombrables autres personnes, par le
colonialisme français, n’ignore pas que les amalgames et les représentations
convenues cultivent, depuis de longues périodes, le mépris à son égard dans
plusieurs domaines et de différentes manières.
Il
est en France.
Comment
s’inscrire dans la dynamique qui permet de saisir le Sens qui fait Lien ?
L’éducateur en détention a attendu longtemps derrière les barreaux de la
fenêtre de la cellule qu’occupait le mineur délinquant, pour regarder celui-ci
se diriger vers la sortie.
Le
mineur chemine, un pas devant l’autre, de l’intérieur vers l’extérieur.
Du
dedans vers le dehors.
Le
pas de sa marche semble être l’écho du rythme qui, dans sa poitrine, est celui
des battements, tels ceux du cœur de la mère qui lui viennent de l’aube de la vie.
Des
mouettes et des corbeaux, en grand nombre, qui viennent se nourrir de ce que
les détenus leur « transmettent » à travers les barreaux, regardent
aussi ce mineur, puis partent dans un envol majestueux.
Ils
rejoignent un drôle d’oiseau pendant que leur parvient la voix chaude d’un
détenu qui rappelle :
« Les
gens dorment, et lorsqu’ils meurent, ils se réveillent ».[6]
BOU’AZZA
[1] Le ʺrʺ roulé.
[2] Le ʺrʺ roulé.
[3] Le colonialisme est un
crime contre l’humanité.
[4]
Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est
traduit dans les colonies par la multiplication des "États"
supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de
servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces
"États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la
tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge,
le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture,
l’enfermement, la négation de l’être humain.
[5] L’éducatif.
[6] Hadiite de Mohammad,
l’ultime Messager et Prophète sur lui la bénédiction et la paix.
Alqoraane
est la continuation, la synthèse, le parachèvement du Message d’Allaah,
L’Unique.
Mohammad,
l’ultime Messager et Prophète sur lui la bénédiction et la paix (sallaa Allaah
‘alayh wa sallame), a eu pour mission de le transmettre.
Assonna
a trait à la conduite de Mohammad, l’ultime Messager et Prophète sur lui la
bénédiction et la paix.
Lorsqu’on
parle de hadiite (hadite, hadiith, hadith), cela renvoie à ce qui a été
rapporté concernant la conduite de Mohammad, l’ultime Messager et Prophète sur
lui la bénédiction et la paix.
Alqoraane
n’a de sens qu’avec Assonna et Assonna ne peut exister sans Alqoraane.
Assonna
procède d’Alqoraane.
Je ne fais que reprendre ce dont j’ai déjà parlé
plusieurs fois.
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com
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