Étalées
sur le lit, elles brillaient de mille et une couleurs, fascinantes.
Il
ne les quittait pas des yeux, et n’arrêtait pas de les caresser.
Je
le revois encore, et sa douce voix emplit l’espace.
Arrivé
en France par le biais d’une association qui se charge de faire venir des
enfants du Tiers-monde, dont le coeur a besoin de soins.
Il a
passé un certain temps avec mon épouse et moi, sa famille d’accueil, dans le
cadre des activités de cette association.
Un
enfant.
Savez-vous
ce qu’est un enfant ?
Il a
treize ans, et il est arrivé d’un pays dont les « dirigeants », comme
ceux qui sévissent partout dans des pays dits « arabo-musulmans »,[1] et
ailleurs, n’hésitent devant aucun crime pour continuer à répandre la débauche,
la corruption, la faim, la maladie, l’ignorance, l’exploitation, le pillage, la
répression, le mépris, les humiliations, les destructions, les massacres, et
autres horreurs.
Des
« dirigeants » qui dilapident de quoi soigner et nourrir tous les
enfants, tous les adultes, toutes les populations des pays où ils sévissent.
Il
était taquin, joueur, sensible, avec une sorte de je ne sais quoi qui le
rendait vite attachant.
Un
enfant endurant.
Il
avait supporté d’être loin de ses parents, de ses amis, de son pays, et autres.
Le
fait qu’il ne parlait pas français, ne lui facilitait pas le séjour en France.
Connaissant
sa langue, je pouvais donc parler avec lui, et construire une relation qui
n’excluait pas mon épouse qui savait lui faire comprendre beaucoup de choses,
dans la langue dite de Molière.
Il
nous demandait souvent quand est-ce qu’il allait retourner dans son pays.
Nous
ne le savions pas, et je lui répondais, invariablement, que la décision
appartenait au chirurgien.
Et voilà
que pendant son hospitalisation, il s’était mis à nous demander quand est-ce
qu’il allait sortir pour être avec nous à la maison.[2]
Á sa
sortie de l’hôpital, il était content de retrouver la maison, et tout lui
servait à le montrer.
Nous
l’étions aussi bien sûr.
Et
puis le temps est passé vite, et le moment de son retour parmi les siens est
arrivé.
Flots
de pensées.
Averses
d’images.
Afflux
de sensations.
Nous
avons fait de notre mieux afin que son séjour parmi nous soit agréable, et pour
qu’il en garde un bon souvenir.
Nos deux
fils, leurs épouses, leurs enfants, et une de mes soeurs, y ont contribué.
Cela
n’excluait pas bien entendu des mises au point, et des rappels de ce que
beaucoup d’enfants font semblant « d’oublier » pour, entre autres,
écarter la frustration.[3]
Au
retour de l’aéroport, j’ai jeté un coup d’oeil au lit sur lequel elles étaient
étalées...
Avant
son hospitalisation, un de mes fils venu déjeuner avec nous, lui avait remis de
l’argent pour qu’il s’achète ce dont il avait envie.
Nous
l’avions accompagné dans une grande surface, au rayon des jouets, car il
voulait prendre une voiture pour son petit frère de trois ans.
Au
bout de quelques minutes, il s’était mis sur les genoux et avait commencé à
contempler et à choisir... des sacs de billes en verre !
Oubliée
la voiture pour le petit frère.[4]
Il
ne voyait plus que les billes, et semblait regretter de ne pas pouvoir les
prendre toutes.
Lorsqu’il
avait fini de choisir, il avait demandé que nous lui fassions le total de ce
qu’il devait payer.
Mon
épouse ayant fait le total, je l’ai informé qu’il allait débourser tout ce
qu’il avait, à deux euros prés.
Il
était content de savoir qu’il avait l’argent nécessaire pour payer tous les
sacs de billes choisis.
Une
fois à la maison, il avait vidé tous les sacs sur le lit, s’était mis à compter
les billes, à les recompter.
Un
total de huit cent cinquante.
Il
les fixait, et semblait subjugué.
Au
bout d’un moment, il s’était allongé sur elles, m’avait regardé, et m’avait
dit :
- Je
veux dormir avec elles.[5]
BOUAZZA
[1]
Je suis originaire de l’un de ces pays.
[2] Ce qui
ne signifie pas bien sûr qu’il ne pensait pas fortement à retrouver les siens
et son pays, mais traduit quelque chose de positif dans la construction,
réciproque, d’une relation.
[3] Beaucoup
d’adultes n’admettent pas que leurs caprices ne soient pas pris en
considération, n’acceptent pas la frustration, et font n’importe quoi.
[4] Nous
nous sommes chargés bien sûr de cadeaux pour lui, pour sa mère, pour son père,
pour son petit frère, pour sa soeur, et pour son frère.
Des
membres de notre famille y ont participé.
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