samedi 19 décembre 2015

ENCORE DANS MES RÊVES


Hier, vendredi 18 décembre 2015,[1] après la prière d’alfajr et d‘assobh,[2] je me suis endormi et j’ai fait un rêve.
La soeur aînée de l’épouse de mon deuxième fils étant malade, sa famille m’a demandé de me faire opérer à sa place, ici en France, pour lui permettre d’aller mieux.
J’étais d’accord.
La fille aînée, était en train de me préparer à cet effet en intervenant par des touchers sur ma tête je crois, lorsque j’ai décidé d’expliquer que ce n’était pas possible car moi-même j’ai été déjà opéré et que j’ai beaucoup de dossiers médicaux que l’administration des hôpitaux connaît, et qu’elle peut par conséquent se rendre compte que je ne peux pas me faire opérer à la place d’une autre personne.
Et je suis donc revenu sur mon accord du début.
Nous étions chez les parents de la fille aînée, mais la demeure était celle de ma soeur décédée[3]
et de son mari à Lkhmiçaate.[4]
Une demeure ancienne que j’aimais bien, avec un patio et deux orangers il me semble.
Il y avait du monde.
J’ai reconnu le père de la fille aînée, son mari peut-être, le mari de ma soeur décédée et le cordonnier[5] dont la boutique était à côté de la demeure.
Depuis sa mort, ce cordonnier m’est apparu plus d’une fois, dans des rêves.
Il est arrivé en toute simplicité, comme il avait l’habitude de le faire lorsqu’il était vivant.
Dans le rêve, il avait les traits un peu différents et sa jellaba[6]  était mieux que celle qu’il portait d’habitude.
Je le lui ai dit et je n’ai pas tardé à lui mettre affectueusement la main sur l’épaule, en l’invitant à ce que nous allions discuter dehors.[7]
Et je me suis réveillé.
Ce cordonnier s’appelait Lhoçayne.[8]
Je l’ai connu dans les années soixante.
J’ai déjà parlé de lui, plus d’une fois.
Lorsque j’étais adolescent, sa vieille boutique était devenue pour moi un espace recherché.
Je m’y rendais chaque fois que je le pouvais.[9]
Je le trouvais souvent au travail.
Il était installé sur une sorte de dossier un peu élevé par rapport au sol, un pied de fer sans âge, à portée de la main.
En face, une petite table en bois sur laquelle étaient posés un marteau, des clous, une vieille paire de ciseaux, un couteau, une grosse aiguille à coudre, un poinçon.
Sur sa droite, un seau d’eau dans lequel il plongeait par moments une chaussure, une babouche ou autre lorsqu’il l’estimait nécessaire, pour adoucir le cuir, avant d’entamer la couture.
Il y plongeait aussi parfois le vieux couteau, dont le manche était entouré de caoutchouc, pour l’aiguiser ensuite sur une pierre posée au bord de la petite table.
Son vieux vélo était à l’intérieur, appuyé contre le mur.
À vélo, il avait fait des voyages dans différentes régions afin de voir certaines personnes qu’il estimait aptes à lui apporter certaines informations.
Le sol était jonché de morceaux de cuir de toutes dimensions et de mille et une autres choses. Je m’asseyais dessus.
Des fois avec d’autres personnes.
Et nous l’écoutions.
Tout en travaillant, il parlait de la foi, de la vie des Prophètes et des Messagers sur eux la bénédiction et la paix, et d’autres événements.
Nous débattions de tout.
Parfois, il me donnait, ou à d’autres, de vieux écrits à lire à haute voix pour qu’il en fasse le commentaire et susciter nos réactions.
Des années plus tard, il a fait la connaissance de mon épouse et de nos enfants.
Cet homme pour qui j’avais un profond attachement et beaucoup d’affection, m’a transmis des trésors.
Il m’a aidé à me remplir, et a été parmi mes éducateurs.
Sa vieille boutique, presque en ruine, qui avait à peine deux mètres sur deux, et qui tenait je ne sais comment, a été pour moi un vaste endroit lumineux, nourrissant, ouvert.
Fermée pendant un certain temps après sa mort,[10] elle est tombée en ruine.[11]
Comme à chaque fois que je rêve de lui, j’étais content de le revoir.[12]
  
BOUAZZA




La peinture qui illustre ce texte est de mon épouse.
[1] Selon le calendrier dit grégorien.
[2] L’aube et l’aurore.
[3] Elle est morte en 1970, peu de temps après mon départ du Maroc pour des études universitaires en France.
Elle avait 28 ans.
[4] Khémisset.
[5] Lkhrraaz (les ʺrʺ roulés).
[6] Habit long, fermé, en laine ou en tissu, avec un capuchon, porté par des hommes et par des femmes.
[7] Dans le rêve, il revenait de voyage, de l’Arabie je crois, mais pas du pèlerinage.
[8] Alhoçayne, Hoçayne, Hoçaïne.
[9] Après l’adolescence aussi.
[10] J’ai eu l’information en France.
[11] Puis rasée.

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