dimanche 21 juillet 2019

LES AMIGOS À LUC-SUR-MER


La mer me fait penser à Idriis Achchraaïbii[1] :
« Une vague vient du fond du passé et, lente, dandinante, puissante, déferle. Explose et fait exploser les souvenirs comme autant de bulles d’écume.
Une autre vague vient par-dessus la première et fulgure. Etincelle et ruisselle d’une vie nouvelle. Sans nombre, débordant par-delà les rives du temps, de l’éternité à l’éternité d’autres vagues naissent et meurent, se couvrant et se renouvelant, ajoutant leur vie à la vie. D’aussi loin qu’on les entende, toutes ont la même voix, répètent le même mot : paix, paix, paix … »[2]
Bilaal[3] appelle à la prière.
Voix harmonieuse qui s’adresse à tous les sens de l’être.
« Telles des senteurs exquises émanant d’une buire précieuse, ces paroles [...] se répandirent
[...] jusqu’au fond de toutes les demeures, et les Croyants accoururent aussitôt en rangs pressés, pour aspirer avec délices le parfum vivifiant de la prière[4] ».[5]
Je reprends, pour la énième fois, un livre[6] qui constitue pour moi une peinture vivante dont j’aime m’imprégner encore et encore.
Mes petits-fils, hypnotisés devant l’écran, regardent un dessin animé.
Les amigos,[7] ont été agréablement marqués par une semaine passée à Luc-sur-Mer, en Normandie, du 22 au 29 août 2015.
Ils l’ont également été l’année d’après, pendant la semaine du 23 au 30 juillet 2016.
Nous avons donc décidé d’y retourner cet été pour la semaine du 13 au 20 juillet 2019.[8]
La maison louée les deux années d’avant a été vendue, et nous avons donc été obligés d’en louer une autre.
C’est une semaine avec mon épouse, notre fils aîné, son fils, et les deux fils de notre fils cadet[9] et de son épouse.
Luc-sur-Mer[10] est une commune qui se situe au sud de la baie de Seine, au coeur de la Côte de Nacre, aux confins nord du Bessin et de la plaine de Caen, au nord du Calvados. [11]
Ce que j’avais noté dans le texte intitulé « Débarquement en Normandie », s’applique toujours :
L’installation vite expédiée, ainsi que quelques courses, et nous voilà sur la grève.
L’importante marée basse permet aux enfants d’entreprendre de « grands chantiers » sur le sable mouillé et année, de s’adonner avec enthousiasme, à l’exercice qui consiste à soulever des pierres à travers les algues, à la recherche de crabes.
Cette année, les amigos, les deux premiers surtout, ont privilégié le football et les baignades.[12]
Il va de soi que « la bagarre » fait partie des diverses activités, principalement entre les deux frères.[13]
Parmi les choses auxquelles il ne fallait pas déroger : le pain au chocolat du matin, et la glace de la fin de l’après-midi.
Qui nous dira jamais ce que sentent réellement des enfants savourant ces délices ?
Les mots peinent peut-être à en rendre compte.
La réponse à cette question est plutôt sur les visages des amigos lors de ces instants bénis, comme d’autres bien sûr.
Les enfants.
Mohammad, l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix, avec sa nature aimante,les tenait en haute estime, leur réservait une place de choix dans son coeur, « avec sa nature aimante, [...] se préoccupant constamment des rapports entre les enfants et leurs mères.
[...]. Et, lorsqu, pendant les oraisons, il entendait un enfant pleurer, il accélérait la prière, pour permettre à sa mère d’aller le consoler, car il savait bien combien souffre une mère, en entendant les pleurs de son enfant ».[14]
Avant de reprendre le train du retour, nous avions assez de temps devant nous pour aller, en face de la gare de Caen, déjeuner dans un kebab.[15]
Un espace pour une restauration simple que nous aimons :
« Kébab »[16] : sandwich avec grillade de viande halaal,[17] salade, tomate, oignon, sauce « andalouse », « samouraï » ou autres, frites,[18] et boissons non alcoolisées.
Je dis de ce mets qu’il satisfait « les papilles » et « les mamilles » ![19]
À la vue des amigos, le responsable de ce kebab, quelqu’un de très âgé, ne savait pas quoi faire pour les choyer : un grand-père débordant d’amour, jouant avec ses petits-enfants.
Très réceptifs, les amigos ne perdaient pas un miette de cet amour.
Et se fut un moment qui sentait la joie de la vie.
Il y a la vie, et il y’a la mort.
Cette dialectique m’accompagne à chaque pas.
Lors de notre précédent séjour à Luc-sur-Mer, dans une des cabines de plage,[20] un vieux monsieur s’adonnait à la peinture et vendait ses tableaux.
Les deux amigos les plus âgés lui rendaient visite, et nous apprécions ces instants.
Nous avons cherché à le revoir, mais il n’y était pas.
Son existence ici-bas a-t-elle pris fin ?
Que dire de ce qui s’en va et comment parler de ce qui demeure ?
Que dire de ce qui cesse et comment parler de ce qui commence ?
Que dire de ce qui a été et comment parler de ce qui sera ?
« Par le temps ![21] L’Homme[22] est en perdition.[23] Sauf ceux qui croient, accomplissent les bonnes oeuvres,[24] se recommandent la vérité,[25] et se  recommandent l’endurance[26] ».[27]
J’observe les Signes[28] et je me souviens.
Au Maroc,[29] lorsque j’étais jeune, beaucoup de médecins considéraient que certains de mes problèmes de santé provenaient de l’asthme dû à une allergie au climat du littoral, et conseillaient de m’éloigner de la mer.
C’est ainsi que je suis venu en France[30] pour des études universitaires que je ne pouvais pas suivre à Rabat.[31]
En France, je n’hésite pas à retrouver la mer lorsque l’occasion se présente.
Un jour, en arrivant pendant la dernière semaine du mois de janvier 2011 au Sud-Est, sur la côte d’Azur, albahr[32] alabyad almotawassite,[33] j’ai tout de suite été touché par cette profonde harmonie que procure la rencontre de la mer et du ciel, rencontre qui fait jaillir d’autres images, d’autres couleurs, d’autres sons, d’autres mouvements.
La mer, ce bienfait d’Allaah qui s’ajoute aux innombrables autres bienfaits dont Il nous comble, est un pétillement intime, un ravissement, un bonheur.
Des mots clairsemés s’associent, des souvenirs s’assemblent, des pensées se rassemblent.
Qu’Allaah déverse sur nous Sa miséricorde.[34]
  
BOUAZZA


[1] Le ʺrʺ roulé.
[2] Driss Chraïbi, la Civilisation ma Mère !..., Paris, éditions Denoël, 1972, P.13-14.
[3] Bilal, un des premiers compagnons du Prophète Mohammad sur lui la bénédiction et la paix.
Esclave, il a compris que l’affranchissement est dans la résistance pour l’Islaam.
Les tortures, les mauvais traitements, les insultes et autres n’ont fait que renforcer sa foi.
Mohammad, l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix, l’a désigné pour assurer l’appel à la prière (alaadaane), pour être ʺmouaddineʺ (le mot en français et devenu muezzin).
[4] Assalaate, assalaa.
La prière est l’un des piliers majeurs du Message d’Allaah, la clé de voûte de l’Adoration (al’ibaada).
En dehors de certains aménagements prévus, rien ne dispense une personne, saine d’esprit et pubère, d’accomplir la prière durant l’existence ici-bas (qu’Allaah nous pardonne nos errements et nous accorde la guidance (alhidaya), Il est Celui qui répond aux invocations.
Les cinq prières quotidiennes sont d’une obligation impérieuse (outre les cinq prières quotidiennes, les croyants et les croyantes (almouminoune wa almouminaate) peuvent accomplir d’autres prières).
Tous les Prophètes et Messagers, sur eux la bénédiction et la paix, accomplissaient la Prière et avaient pour mission de l’enseigner (elle a connu des variations à travers le temps et l’espace, et a été fixée telle que nous la connaissons aujourd’hui, par Allaah et enseignée par Mohammad, l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix).
[5] Étienne Dinet et Slimaane Ben Ibraahiime, La vie de Muhammad, Éditions Maison d’Ennour, p. 197, Pais 2006.
C’est en Algérie colonisée par la France, où il passait du temps, qu’Étienne Dinet est retourné à la croyance.
Il a choisi de s’appeler Naaçir Addiine (le ʺrʺ roulé).
Il est né à Paris en mars 1861 (selon le calendrier dit grégorien), et il est décédé dans la même ville en décembre 1929.
Il a écrit ce livre, avec Slimaane Ibn Ibraahiime (le ʺrʺ roulé) dans les premières années du vingtième siècle.
Ils sont enterrés en Algérie.
[6] Étienne Dinet et Slimaane Ben Ibraahiime, op.cit, Pais 2006.
[7] Je les appelle ainsi pour dire mes amis, et ça leur plaît.
[8] Pour le plus jeune, c’est son deuxième séjour et non le troisième.
[9] Mes trois petits-fils ont respectivement sept ans et cinq mois, sept ans et quatre mois, et cinq ans.
L’aîné et le dernier sont les enfants de notre fils cadet.
[10] J’en ai déjà parlé. dans des textes intitulés ʺMon petit grand-pèreʺ, ʺDébarquement en Normandieʺ.
[11] Internet, Wikipédia.
[12] Le petit qui aime d’habitude se baigner à la piscine, craignait la baignade en mer et a catégoriquement d’y aller.
[13] Le plus jeune saisissant la moindre occasion pour provoquer le plus âgé, et de le pousser à bout.
[14] Étienne Dinet et Slimaane Ben Ibraahiime, ibid, p.459-460, Pais 2006.
[15] Kabaab.
[16] Restauration dite d’origine turque, lancée en Allemagne par des turcs issus du processus migratoire, et répandue en France avec la participation de personnes originaires d’Afrique du Nord, issues du même processus.
[17] Licite, c’est à dire pour les croyants et les croyantes, préparée en tenant compte des enseignements de l’Islaam.
L’Islaam, depuis Aadame (Adam) sur lui la bénédiction et la paix, consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
L’Islaam n’est pas une question d’ethnie, de tribu, de clan, de classe sociale, de sexe, de couleur, de langue, de parti politique, de pays, de nationalité, d’Etat.
ujourd’hui, et depuis des lustres, l’État (ou la même institution appelée autrement) des croyants et des croyantes n’existe plus, nulle part.
Les ″États″ qui prétendent l’être sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement et autres.
L’Islaam les dénonce, les rejette, les condamne, les combat.
L’État des croyants et des croyantes n’existe plus, nulle part, mais les membres de la communauté (alomma, la matrie) des croyants et des croyantes sont partout et seront partout, par la miséricorde d’Allaah, jusqu’à la fin de l’existence ici-bas.
[18] Des assiettes plus garnies sont proposées.
[19] Les papys et les mamies, dont nous faisons partie, mon épouse et moi.
[20] Ces cabines sont souvent fermées.
[21] Wa al’asr (le ʺrʺ roulé).
[22] Alineçaane.
[23] L’Homme va à sa perte.
[24] Assaalihaate.
[25] Alhaqq.
[26] Assabr (le ʺrʺ roulé), la patience.
[27] Alqoraane (le Coran), sourate 103 (chapitre 103), Al’asr (le ʺrʺ roulé), Le Temps, aayate 1 à aayate 3 (verset 1 au verset 3).
[28] Aayaate.
[29] Maghrib (le "r" roulé).
[30] Franeçaa (le "r"roulé).
[31] Ribaate, Rbaate (le "r" roulé).
Ville à très fort taux d’humidité, au bord de l’Océan Atlantique (Almouhiite Alatlaçiyy).
À l’époque au Maroc, il n’y avait que cette ville pour mes études universitaires.
[32] Le ʺrʺ roulé.
[33] La mer blanche intermédiaire, la mer Méditerranée.

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