La mer me fait penser à Idriis Achchraaïbii[1] :
« Une
vague vient du fond du passé et, lente, dandinante, puissante, déferle. Explose
et fait exploser les souvenirs comme autant de bulles d’écume.
Une
autre vague vient par-dessus la première et fulgure. Etincelle et ruisselle
d’une vie nouvelle. Sans nombre, débordant par-delà les rives du temps, de
l’éternité à l’éternité d’autres vagues naissent et meurent, se couvrant et se
renouvelant, ajoutant leur vie à la vie. D’aussi loin qu’on les entende, toutes
ont la même voix, répètent le même mot : paix, paix, paix … »[2]
Bilaal[3] appelle
à la prière.
Voix
harmonieuse qui s’adresse à tous les sens de l’être.
« Telles
des senteurs exquises émanant d’une buire précieuse, ces paroles [...] se
répandirent
[...]
jusqu’au fond de toutes les demeures, et les Croyants accoururent aussitôt en
rangs pressés, pour aspirer avec délices le parfum vivifiant de la prière[4] ».[5]
Je reprends, pour la énième fois, un livre[6] qui
constitue pour moi une peinture vivante dont j’aime m’imprégner encore et
encore.
Mes petits-fils, hypnotisés devant l’écran, regardent un
dessin animé.
Les amigos,[7] ont été
agréablement marqués par une semaine passée à Luc-sur-Mer, en Normandie, du 22
au 29 août 2015.
Ils l’ont également été
l’année d’après, pendant la semaine du 23 au 30 juillet 2016.
Nous
avons donc décidé d’y retourner cet été pour la semaine du 13 au 20 juillet
2019.[8]
La
maison louée les deux années d’avant a été vendue, et nous avons donc été
obligés d’en louer une autre.
C’est
une semaine avec mon épouse, notre fils aîné, son fils, et les deux fils de
notre fils cadet[9]
et de son épouse.
Luc-sur-Mer[10] est une
commune qui se situe au sud de la baie de Seine, au coeur de la Côte de Nacre,
aux confins nord du Bessin et de la plaine de Caen, au nord du Calvados. [11]
Ce
que j’avais noté dans le texte intitulé « Débarquement en
Normandie », s’applique toujours :
L’installation
vite expédiée, ainsi que quelques courses, et nous voilà sur la grève.
L’importante
marée basse permet aux enfants d’entreprendre de « grands chantiers »
sur le sable mouillé et année, de s’adonner avec enthousiasme, à l’exercice qui
consiste à soulever des pierres à travers les algues, à la recherche de crabes.
Cette
année, les amigos, les deux premiers surtout, ont privilégié le football et les
baignades.[12]
Il
va de soi que « la bagarre » fait partie des diverses activités,
principalement entre les deux frères.[13]
Parmi les choses auxquelles il ne fallait pas déroger :
le pain au chocolat du matin, et la glace de la fin de l’après-midi.
Qui
nous dira jamais ce que sentent réellement des enfants savourant ces
délices ?
Les
mots peinent peut-être à en rendre compte.
La
réponse à cette question est plutôt sur les visages des amigos lors de ces
instants bénis, comme d’autres bien sûr.
Les
enfants.
Mohammad,
l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix, avec sa nature
aimante,les tenait en haute estime, leur réservait une place de choix dans son
coeur, « avec sa nature aimante, [...] se préoccupant constamment des
rapports entre les enfants et leurs mères.
[...].
Et, lorsqu, pendant les oraisons, il entendait un enfant pleurer, il accélérait
la prière, pour permettre à sa mère d’aller le consoler, car il savait bien
combien souffre une mère, en entendant les pleurs de son enfant ».[14]
Avant
de reprendre le train du retour, nous avions assez de temps devant nous pour
aller, en face de la gare de Caen, déjeuner dans un kebab.[15]
Un
espace pour une restauration simple que nous aimons :
« Kébab »[16] :
sandwich avec grillade de viande halaal,[17] salade,
tomate, oignon, sauce « andalouse », « samouraï » ou
autres, frites,[18]
et boissons non alcoolisées.
Je dis de ce mets qu’il satisfait « les papilles »
et « les mamilles » ![19]
À la
vue des amigos, le responsable de ce kebab, quelqu’un de très âgé, ne savait
pas quoi faire pour les choyer : un grand-père débordant d’amour, jouant
avec ses petits-enfants.
Très
réceptifs, les amigos ne perdaient pas un miette de cet amour.
Et
se fut un moment qui sentait la joie de la vie.
Il y a la vie, et il y’a la mort.
Cette dialectique m’accompagne à chaque pas.
Lors
de notre précédent séjour à Luc-sur-Mer, dans une des cabines de plage,[20] un
vieux monsieur s’adonnait à la peinture et vendait ses tableaux.
Les
deux amigos les plus âgés lui rendaient visite, et nous apprécions ces
instants.
Nous
avons cherché à le revoir, mais il n’y était pas.
Son
existence ici-bas a-t-elle pris fin ?
Que
dire de ce qui s’en va et comment parler de ce qui demeure ?
Que
dire de ce qui cesse et comment parler de ce qui commence ?
Que
dire de ce qui a été et comment parler de ce qui sera ?
« Par
le temps ![21]
L’Homme[22] est en
perdition.[23]
Sauf ceux qui croient, accomplissent les bonnes oeuvres,[24] se
recommandent la vérité,[25] et
se recommandent l’endurance[26] ».[27]
J’observe
les Signes[28]
et je me souviens.
Au
Maroc,[29] lorsque
j’étais jeune, beaucoup de médecins considéraient que certains de mes problèmes
de santé provenaient de l’asthme dû à une allergie au climat du littoral, et
conseillaient de m’éloigner de la mer.
C’est
ainsi que je suis venu en France[30] pour
des études universitaires que je ne pouvais pas suivre à Rabat.[31]
En
France, je n’hésite pas à retrouver la mer lorsque l’occasion se présente.
Un
jour, en arrivant pendant la dernière semaine du mois de janvier 2011 au
Sud-Est, sur la côte d’Azur, albahr[32] alabyad
almotawassite,[33]
j’ai tout de suite été touché par cette profonde harmonie que procure la
rencontre de la mer et du ciel, rencontre qui fait jaillir d’autres images, d’autres
couleurs, d’autres sons, d’autres mouvements.
La
mer, ce bienfait d’Allaah qui s’ajoute aux innombrables autres bienfaits dont
Il nous comble, est un pétillement intime, un ravissement, un bonheur.
Des
mots clairsemés s’associent, des souvenirs s’assemblent, des pensées se
rassemblent.
Qu’Allaah
déverse sur nous Sa miséricorde.[34]
BOUAZZA
[1]
Le ʺrʺ roulé.
[2]
Driss Chraïbi, la Civilisation ma
Mère !..., Paris, éditions Denoël, 1972, P.13-14.
[3] Bilal,
un des premiers compagnons du Prophète Mohammad sur lui la bénédiction et la
paix.
Esclave,
il a compris que l’affranchissement est dans la résistance pour l’Islaam.
Les
tortures, les mauvais traitements, les insultes et autres n’ont fait que
renforcer sa foi.
Mohammad,
l’ultime Prophète et Messager sur lui la bénédiction et la paix, l’a désigné
pour assurer l’appel à la prière (alaadaane), pour être ʺmouaddineʺ (le mot en
français et devenu muezzin).
[4]
Assalaate, assalaa.
La prière est l’un des piliers majeurs du Message
d’Allaah, la clé de voûte de l’Adoration (al’ibaada).
En
dehors de certains aménagements prévus, rien ne dispense une personne, saine
d’esprit et pubère, d’accomplir la prière durant l’existence ici-bas (qu’Allaah
nous pardonne nos errements et nous accorde la guidance (alhidaya), Il est
Celui qui répond aux invocations.
Les
cinq prières quotidiennes sont d’une obligation impérieuse (outre les cinq
prières quotidiennes, les croyants et les croyantes (almouminoune wa
almouminaate) peuvent accomplir d’autres prières).
Tous
les Prophètes et Messagers, sur eux la bénédiction et la paix, accomplissaient
la Prière et avaient pour mission de l’enseigner (elle a connu des variations à
travers le temps et l’espace, et a été fixée telle que nous la connaissons
aujourd’hui, par Allaah et enseignée par Mohammad, l’ultime Prophète et
Messager sur lui la bénédiction et la paix).
[5]
Étienne Dinet et Slimaane Ben Ibraahiime, La vie de Muhammad, Éditions
Maison d’Ennour, p. 197, Pais 2006.
C’est
en Algérie colonisée par la France, où il passait du temps, qu’Étienne Dinet
est retourné à la croyance.
Il
a choisi de s’appeler Naaçir Addiine (le ʺrʺ roulé).
Il
est né à Paris en mars 1861 (selon le calendrier dit grégorien), et il est
décédé dans la même ville en décembre 1929.
Il
a écrit ce livre, avec Slimaane Ibn Ibraahiime (le ʺrʺ roulé) dans les premières
années du vingtième siècle.
Ils
sont enterrés en Algérie.
[6]
Étienne Dinet et Slimaane Ben Ibraahiime, op.cit, Pais 2006.
[7] Je les
appelle ainsi pour dire mes amis, et ça leur plaît.
[8]
Pour le plus jeune, c’est son deuxième séjour et non le troisième.
[9]
Mes trois petits-fils ont respectivement sept ans et cinq mois, sept ans et
quatre mois, et cinq ans.
L’aîné
et le dernier sont les enfants de notre fils cadet.
[10]
J’en ai déjà parlé. dans des textes intitulés ʺMon petit grand-pèreʺ,
ʺDébarquement en Normandieʺ.
[11]
Internet, Wikipédia.
[12]
Le petit qui aime d’habitude se baigner à la piscine, craignait la baignade en
mer et a catégoriquement d’y aller.
[13]
Le plus jeune saisissant la moindre occasion pour provoquer le plus âgé, et de
le pousser à bout.
[14]
Étienne Dinet et Slimaane Ben Ibraahiime, ibid, p.459-460, Pais 2006.
[15]
Kabaab.
[16]
Restauration dite d’origine turque, lancée en Allemagne par des turcs issus du
processus migratoire, et répandue en France avec la participation de personnes
originaires d’Afrique du Nord, issues du même processus.
[17] Licite,
c’est à dire pour les croyants et les croyantes, préparée en tenant compte des
enseignements de l’Islaam.
L’Islaam, depuis Aadame (Adam) sur lui la bénédiction
et la paix, consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah
le demande.
L’Islaam n’est pas une question d’ethnie, de tribu, de
clan, de classe sociale, de sexe, de couleur, de langue, de parti politique, de
pays, de nationalité, d’Etat.
ujourd’hui, et depuis des lustres, l’État (ou la même
institution appelée autrement) des croyants et des croyantes n’existe plus,
nulle part.
Les
″États″ qui prétendent l’être sont fondés sur l’imposture, le crime, la
trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche,
le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la
torture, l’enfermement et autres.
L’Islaam les dénonce, les rejette, les condamne, les
combat.
L’État
des croyants et des croyantes n’existe plus, nulle part, mais les membres de la
communauté (alomma, la matrie) des croyants et des croyantes sont partout et
seront partout, par la miséricorde d’Allaah, jusqu’à la fin de l’existence
ici-bas.
[18]
Des assiettes plus garnies sont proposées.
[19] Les
papys et les mamies, dont nous faisons partie, mon épouse et moi.
[20]
Ces cabines sont souvent fermées.
[21]
Wa al’asr (le ʺrʺ roulé).
[22]
Alineçaane.
[23]
L’Homme va à sa perte.
[24]
Assaalihaate.
[25]
Alhaqq.
[26]
Assabr (le ʺrʺ roulé), la patience.
[27]
Alqoraane (le Coran), sourate 103 (chapitre 103), Al’asr (le ʺrʺ roulé), Le
Temps, aayate 1 à aayate 3 (verset 1 au verset 3).
[28]
Aayaate.
Ville à très fort taux d’humidité, au bord de l’Océan
Atlantique (Almouhiite Alatlaçiyy).
À
l’époque au Maroc, il n’y avait que cette ville pour mes études universitaires.
[32]
Le ʺrʺ roulé.
[33]
La mer blanche intermédiaire, la mer Méditerranée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire