Des
images défilent devant ses yeux comme un film au ralenti qui parfois projette
l’avenir
Elle
se voit encore plus âgée, avec des os qui fléchissent en elle et une tête
allumée de blancheur,[1] marchant
à petits pas vers un jardin, un sac à la main avec des morceaux de pain, pour
nourrir des pigeons.
Les
pigeons l’entourent et au bout d’un moment, partent dans un envol majestueux et
reviennent tournoyer au dessus de sa tête.
Elle
les fixe et son rictus devient un sourire, puis un rire qui se confond avec le
claquement des ailes et lui rappelle les vagues de la mer.
- Je
fais souvent ce rêve.[2]
Le
calme enveloppait la maison.
Elle
a eu sa quatrième vaccination et pense au voyage qu’elle va effectuer avec son
frère, ine chaa-e Allaah,[3]pour
retrouver des membres de la famille.
En
raison de l’épidémie du coronavirus,[4] elle a
vécu le premier confinement du 17 mars au 11 mai 2020.
Ensuite,
un deuxième confinement mis en place du 30 octobre au 15 décembre 2020.
Puis
un troisième et un quatrième, avant même la fin de la période fixée pour le
troisième.
Comme
pour le troisième confinement qui a été appelé « mesures de
freinage », le terme « déconfinement » a été écarté pour celui
de « réouverture », avec étalement d’avril à fin juin.
En
de novembre 2021, une vague de l’épidémie a failli entraîner un nouveau
confinement.
Au lever du jour, après la prière[5]
d’alfajr[6] et
d‘assobh,[7] la
grand-mère ne s’est pas rendormie comme elle a l’habitude de le faire.
Elle
a ouvert la fenêtre et les volets de la chambre où elle dort, puis a retrouvé le
fauteuil de la petite pièce qu’elle affectionne tout particulièrement.
Le
printemps se poursuit.
L’été
va lui succéder.
Flots
de pensées.
Averses
d’images.
Afflux
de sensations.
La vieillesse est mal vécue par beaucoup, pas par
elle.
Certains font tout et n’importe quoi « pour ne
pas vieillir, pour rester jeunes ».
Elle est reconnaissante au Seigneur des univers
d’avoir atteint la vieillesse, de continuer à faire de son mieux pour l’Adorer[8] comme
Il le demande.
La
marche de la grand-mère dans l’impermanence d’ici-bas pour la permanence de la
vie dernière, répand le parfum de l’espoir.
L’espoir
qui embaume son coeur.
Concernant
la quatrième vaccination contre le covid, elle n’ignore pas que les personnes
vaccinées peuvent ne pas échapper à l’épidémie.
Les
soignants soignent et Allaah guérit.
Elle
fait ce qu’elle peut pour prendre soin du corps qu’Allaah lui a confié.
Chaque
organe de ce corps remplit la fonction qui lui est assignée par Allaah, pour la
durée qui lui est impartie.
Elle
n’a pas toujours pris soin de ce corps dont elle est responsable.
Il
lui est arrivé, plus d’une fois, par ignorance des enseignements de l’Islaam, [9]de le
négliger, d’en user dans ce qu’Allaah n’agrée pas.
Le
jour du voyage est arrivé et la voilà dans l’autocar à côté de son frère.
À
l’avant de l’autocar, entre le conducteur et elle, un homme reçoit sans arrêt
des appels sur son téléphone portable et ne cesse de parler.
De
l’autre côté du couloir, à sa droite, une femme et un homme qui aurait pu être
son fils en raison de son âge, se pelotent.
La
femme, toute excitée, fière de se faire peloter par un jeunot dans un autocar, aurait voulu aller beaucoup plus loin.
À la
gauche de la grand-mère, son frère dort.
Elle
le fixe et semble lui parler :
- Tu
fais ce que tu peux dans ton attachement à la piété.
Attentionné, appréciant l’humour.
Sensible, d’un abord facile, mais
tu peux être distant, ferme, inflexible et tranchant, lorsque tu le juges
nécessaire.
Les tromperies, les tricheries, les
mensonges, les hypocrisies et autres comportements de ce genre, te touchent au
plus profond de toi.
Tu es attaché à la pudeur, à
l’hospitalité, à la solidarité, à la générosité, à la sincérité, à l’honnêteté,
à la confiance, à la dignité, à l’honneur, à l’équité, à la justice.
Comme notre mère qu’Allaah déverse
sur elle Sa miséricorde.
Bien sûr, tu fais des faux pas.
Tu commets des erreurs.
Tu es impulsif, parfois très dur.
Mais toujours digne de confiance.
-
Qu’est-ce que tu dis ?
Comme
s’il avait entendu, le frère s’est réveillé et la soeur en a profité pour lui
répondre par une question :
-
Est-ce que tu m’as déjà dit à quoi tu penses lorsque tu penses à adolescence ?
- Je te l’ai certainement dit plus d’une fois.
- Redis-le moi.
- Ce qui me vient souvent à l’esprit c’est la camaraderie.
- J’ai connu l’internat, tu le sais.
Une
période avec des compagnons auxquels j’étais très attaché.
Un
temps où il arrivait parfois, instantanément, que naisse une relation qui se
scelle et se renforce, comme par enchantement.
Beaucoup
de ces compagnons venaient d’un milieu démuni matériellement.
La
richesse était grande cependant par l’authenticité des sentiments, la
confiance, l’élan du cœur.
Au
réfectoire, les compagnons avec qui j’étais à la même table, me désignaient
souvent comme « chef de table ».
Et
ce n’était pas pour se décharger d’une corvée.
C’était
un encouragement je pense, pour mes efforts visant à être fidèle et intègre.
Un
soutien à mon esprit de probité.
Je
prenais à cœur la « fonction » de « chef de table ».
Elle
contribuait à me rappeler, je crois, qu’il est important de faire de son mieux
pour ne pas être indigne de confiance.
Allaah
m’a aidé à saisir la force de la modestie et de l’humilité.[10]
Il
m’a aidé à m’éloigner de la compromission.[11]
Je
suis grand-père et ma marche continue, au rythme des saisons.
Et
j’espère être parmi les bénéficiaires des parfums de la vie dernière.[12]
« Par
le soleil et par sa clarté.[13] Par la
lune quand elle le suit.[14] Par le
jour quand il l’éclaire.[15] Par la
nuit quand elle l’enveloppe.[16] Par le
ciel et par Celui qui l’a construit. Par la terre et par Celui qui l’a étendue.[17] Par
l’âme et par Celui qui l’a harmonieusement façonnée.[18] Et lui
a inspiré son immoralité et sa piété. A réussi celui qui l’a purifiée.[19] Et a
perdu celui qui l’a corrompue ».[20]
- Tu aimes cette soura[21] à
laquelle tu te réfères souvent.
-
Moi aussi.
-
J’aime te parler.
Tu
sais écouter et répondre.
Il
m’est arrivé, tu le sais, de faire comme si je ne voyais pas des impostures,
des trahisons, des arrières pensées, des compromissions, y compris ceux de
certains « proches ».[23]
Il
m’est arrivé de faire comme si je ne voyais pas ce que certains tentent de
camoufler, de dissimuler, de cacher, d’enfouir, de masquer, de travestir et qui visent à leurrer, encore leurrer, toujours
leurrer.
Il
m’est arrivé de faire comme si j’étais « naïf ».
Cette
« naïveté » a été interprétée comme de « l’ignorance » par
des personnes ne faisant qu’à leur tête.
Il
m’est arrivé d’être conciliant avec des personnes qui minimisent des faits
graves, qui nient leur responsabilité dans des agissements blâmables, qui
interprètent tout selon ce qui leur convient, qui sont dominées par leurs
pulsions, leurs impulsions, qui s’en foutent des dégâts occasionnés, usent de
mots creux, vides, abîmés, falsifiés, détournés,
souillés, trahis, dénaturés.
Tu es l’une des très rares personnes à le comprendre.
Nous sommes arrivés.[24]
BOU’AZZA
[1] ʺSeigneur, voilà que mes os se sont affaiblis et que
ma tête s’est enflammée[1]
de cheveux blancs...ʺ.
Alqoraane (Le Coran), sourate 19 (chapitre 19)
Maryame(le ʺrʺ roulé), Marie, aayate 4 (verset 4).
[2] Elle a chuchoté ces mots à
elle-même.
[3] Si Allaah veut.
[4] Covid
19 (certains disent la covid), épidémie annoncée en France en janvier 2020
selon le calendrier dit grégorien.
[5] Salaate.
[6] Le ʺrʺ roulé.
[7] De l’aube et de l’aurore.
[8]
Adoration, ‘ibaada (la première lettre du mot ‘ibaada c’est la lettre ‘ (‘iine)
qui n’existe pas dans l’alphabet français, et non la lettre i qui n’est donc
pas écrite ici en lettre majuscule).
[9] L’Islaam depuis Aadame (Adam) sur lui la bénédiction
et la paix, consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah
le demande.
L’Islaam
n’est pas une question d’ethnie, de tribu, de clan, de classe sociale, de sexe,
de couleur, de langue, de parti politique, de pays, de nationalité, d’Etat (le
fait qu’un État ne soit pas fondé sur l’islaam, ne signifie nullement que les
croyants et les croyantes installés dans une contrée ayant un tel État, ne font
pas de leur mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
L’Islaam c’est ce qui unit les croyants et les
croyantes où qu’ils soient, sur la base du Message d’Allaah, Le Seigneur des
univers.
Alqoraane
est la continuation, la synthèse, le parachèvement du Message d’Allaah,
L’Unique.
Mohammad,
l’ultime Messager et Prophète sur lui la bénédiction et la paix, a eu pour
mission de le transmettre.
[10] Que
d’aucuns tiennent à confondre avec faiblesse de caractère, manque de
détermination, laxisme, et autres.
[11] Il
lui est arrivé, bien sûr, et il lui arrive, de se montrer indigne de la
confiance placée en lui par Allaah, et de se comporter de manière blâmable.
Mais
Allaah, dans Son infinie miséricorde, accepte le repentir (attawba), et nous
soutient dans nos efforts pour retrouver l’engagement que nous avons pris,
avant même notre apparition ici-bas.
[12]
L’au-delà.
[13] Et
par ses lueurs matinales.
[14]
Quand elle vient après lui.
[15]
Quand il le refait paraître dans toute sa splendeur.
[16]
Quand elle le recouvre de son voile.
[17] Et
par Celui qui a aplani sa surface.
[18] Par
un être vivant et par Celui qui l’a fabriqué dans une harmonie parfaite.
[19] A
récolté le succès celui qui l’a purifiée.
[20] Et a
échoué celui qui n’a pas laissé son humanité s’épanouir.
Dans
sa traduction du Qoraane (le r roulé), Kachriid (le r roulé) note que le verbe "dassa"
en arabe veut dire cacher, empêcher de paraître au grand jour.
L’être
humain étant à l’origine d’essence divine, son humanité est l’ensemble de
toutes les vertus et noblesses.
Celui
qui suit la voie de l’immoralité est comme celui qui a empêché sa bonne nature
d’éclater au grand jour pour ne montrer que sa fausse nature inspirée par satan
(achchaytaane) et les passions charnelles.
Salah
Eddine Kechrid (Salaah Addiine Kachriid), traduction du Qoraane (Coran),
Lobnaane (Liban), Bayroute (Beyrouth), éditions Daar Algharb Alislaamii,
cinquième édition, 1410 (1990), première édition, 1404 (1984).
Note
en bas de la page 809.
Alqoraane
(Le Coran), sourate 91 (chapitre 91), Achchamçe, Le Soleil, aayate 1 à aayate
10 (verset 1 au verset 10).
[21]
Sourate (le r roulé), chapitre.
[22] L’espoir en la miséricorde d'Allaah et la
crainte d’Allaah.
[23]
Terme généralement utilisé pour désigner des membres de la famille.
Parfois il est utilisé aussi dans le cadre de
certaines relations dites privilégiées.
[24] Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com
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