mardi 9 août 2022

DÉCEPTION ?

C’est un texte que j’ai écrit en 2016[1] et que je reprends, sous un nouveau titre, car j’estime qu’il y a lieu de reprendre, encore reprendre, toujours reprendre certaines données pour y réfléchir, encore réfléchir, toujours réfléchir.
« C’était il y a un an.
J’ai écrit un texte qui parle un peu de lui, de notre relation.
Je l’ai connu dans le cadre dit professionnel.[2]
Comme je l’ai déjà écrit au sujet d’un ami du lycée, « notre rencontre avait ce « quelque chose » qu’on n’explique pas et qui, instantanément et de manière forte, scelle et renforce une relation, comme par enchantement ».
Nous nous sommes perdus de vue.
Mes appels téléphoniques n’aboutissaient plus, et les messages sur internet restaient sans réponse.
Et voilà que je reçois sur ma « boîte mail », les nouveaux coordonnées de la sienne.
Quelques échanges et puis plus rien.
Je n’ai pas cessé de le contacter : pas de réponse.
Puis, en début de semaine, le signe que j’attendais, après un an de silence, est arrivé :
« Bon Ramadan et Paix.
Bonjour cher ami,
C’est avec la tête basse et ma honte (bue) et surtout ta ténacité à me faire sortir du bois qui m’ont poussé à t’écrire. Je sais qu’en ce mois de pardon et de partage (ramadan oblige), il te sera difficile de m’en tenir rigueur.
Je vais bien, du moins aussi bien qu’un homme de mon âge (Alhamoudoulilah). Ma santé me permet de faire ce que je peux et il est interdit de se plaindre dans mon cas par rapport à ce que vivent les jeunes.
Mon retrait est dû à une certaine désillusion sur le temps , sur les hommes. J’ai l’impression que toutes les valeurs auxquelles je tiens vacillent en ce moment et que ce monde est fait pour d’autres. Quand on ne maîtrise rien et que tout semble concourir à la violence, à l’incompréhension et à la haine; est-il possible encore d’être optimiste et partager l’espace et le temps avec d’autres ? C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de m’exclure volontairement et ne plus être une gêne pour personne. Je ne suis pas mélancolique ou dépressif mais je deviens un ermite qui fait le strict minimum pour rester sociable et surtout ne plus faire parler de lui.
Si je conserve et me contente de quelques relations sur place, je pense et veux revoir le reste de ma fratrie, ma grande sœur surtout avant de tirer ma révérence. Ma grande hantise c’est ce contact et revoir ceux que j’ai quittés il y a bien des années et qui se battent encore pour survivre dans un pays où haine, violence et racisme ont pris le dessus. Le Mali n’est plus un pays que pour les suceurs de sang et les pauvres hères qui ne s’accrochent à une terre brûlante, dévoreuse des âmes où la religion de l’argent règne en maître. J’espère malgré tout qu’un petit séjour sur place me permettra de retrouver une sérénité que j’ai perdue.
Ce qui m’amène à parler d’argent. Je ne puis me plaindre de ce que je gagne mais je n’ai effectivement pas de marge de manœuvre. Cependant ce n’est pas la raison pour laquelle je me suis mis au vert. Je n’ai pas de besoin extraordinaire et je peux me passer de bien des choses et je mange (inch allah) correctement. C’est la marge qui me permet de prendre de la distance qui me fit défaut : fixation sur mon séjour pour voir la famille et d’aider mon fils en ce moment difficile pour lui.
Ce message du 28 juin 2016 te donne une photo de mon état d’esprit.
Je te remercie de ton amitié et reste très sensible au fait que ça remonte le moral et j’espère que tu arriveras à croire toujours mon amitié même si je ne réponds pas présent et que (j’ai) ou je donne l’impression d’une grande négligence. Je ne saurai terminé ce mot qu’en prenant de tes nouvelles et celles de ton épouse et des enfants (grands et petits).
Bon et généreux Ramadan.
Amicalement ».
Le coeur serré, je n’ai pas traîné pour répondre.
« Assalaam ‘alaykom.
Cher S...
Qu’Allaah te récompense mille et une fois d’avoir enfin décidé de me donner de tes nouvelles : c’est un des bienfaits que le Créateur, dans Sa miséricorde, ne cesse de me dispenser, particulièrement en ce fabuleux mois de ramadaane.[3]
Je connais ta sensibilité et j’imaginais plus ou moins la raison principale de ton silence : la désillusion.
Moi aussi j’ai connu le parcours qui y mène.
D’autres également.
« Ainsi sont les jours qu’Allaah répartit entre les êtres ».
« Ô être humain ! Qu’est-ce qui t’a trompé au sujet de ton Seigneur, Le Généreux ? »[4]
Cette question me fait pleurer parfois.
Que répondre ?
Tu le fais un peu et j’invoque Allaah pour qu’il nous éclaire et nous guide.
D’innombrables choses, cher S..., ont été dites, se disent et continueront à se dire sur la thématique des problèmes et sur les manières d’appréhender cette thématique.
Les approches, les analyses, et autres, changent selon les préoccupations, les interrogations, les orientations, les intérêts et les objectifs de chacun et de chacune.
Nous tombons parfois, pour ne pas dire souvent, dans des confusions, nous avons du mal à saisir les interactions et les intrications où se mêlent de nombreuses disciplines et de multiples « explications ».
Nous alimentons alors et nous entretenons des attitudes qui peuvent entraîner des conduites graves, qui nous empêchent de faire de notre mieux, afin de saisir le Sens[5] et de renforcer le Lien.[6]
Nous avançons dans l’impermanence d’ici-bas, pour la permanence de la vie dernière et les épreuves jalonnent le chemin.
« Les gens[7] ont-ils pensé qu’on les laisserait dire[8] qu’ils ont cru sans qu’ils ne soient soumis à l’épreuve[9] ? ».[10]
Nous avons du mal à comprendre, du mal à discerner.
« ...il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien, et il se peut que vous aimiez une chose alors qu’elle vous est mauvaise. Et Allaah sait alors que vous ne savez pas ».[11]
Les épreuves se rapportent à tous les domaines, et sont parfois très dures.
Mais il faut garder l’espoir et ne pas perdre confiance.
« Ô vous qui croyez ! Aidez-vous par l’endurance et la prière. Allaah est avec les endurants ».[12]
Le Mali[13] sera ce qu’Allaah veut qu’il soit.
Ta famille le sait de Source sûre.
Il est bon que tu penses à te rendre auprès d’elle pour te ressourcer et retourner à l’Essentiel.
Je suis bien sûr, selon mes possibilités que tu connais, disposé à t’aider : il ne faut donc pas hésiter à me le dire.
Encore une fois, merci cher ami, de m’avoir donné de tes nouvelles qui me transportent et « de joie, mon coeur s’envole comme un faucon ».[14]
Mon épouse est en forme, et le mois de ramadaane lui donne encore plus de force dans de multiples domaines.
Elle va bien sûr prendre connaissance de cet échange, et exprimer sa joie d’avoir de tes nouvelles.
Nos enfants aussi, à qui je vais transmettre « nos bavardages ».
Les petits enfants ne te connaissent pas, mais seraient heureux de le faire : il ne faut donc pas les décevoir et ne pas hésiter à venir nous rendre visite quand tu veux.
Meilleurs souhaits »
En prenant connaissance de « nos bavardages », mon fils aîné m’a envoyé ce « mail » :
Le message de S... « est très touchant, et m’a beaucoup ému. Qu’Allah le soutienne.
Le temps qui passe est une épreuve pour nous tous, d’autant plus quand on vit dans une société où le quotidien est peu aménagé pour nous permettre de garder le contact avec l’Essentiel…
Pour ce qui est des désillusions, il n’est pas nécessairement mauvais d’en avoir en prenant de l’âge. Cela veut peut être dire qu’on prend petit à petit plus réellement conscience de l’Essentiel…
Ceux qui n’en n’auraient pas sont soient totalement bénis d’Allah (il y en a peu probablement…), soient le contraire (il y a plus, probablement…).
Je pense que son amertume est accentuée par la difficulté de vivre seul à son âge, car même si rares sont les couples et familles « modèles », arriver à garder le lien le plus fort possible dans la durée jusqu’à ce qu’Allah nous rappelle à Lui est à la fois une longue épreuve et un infini bienfait…
Dis-lui qu’il est en tout cas bienvenu chez moi quand et autant qu’il veut ».
Quant à mon épouse, en lisant S..., elle a tout simplement pleuré ».[15]
Depuis, en dépit de mes efforts, je n’ai eu aucune autre nouvelle.
Qu’Allaah nous éclaire et nous guide.
 
BOU’AZZA
[1] Selon le calendrier dit grégorien.
[2] Nous sommes de la même génération.
Comme moi, jeune bachelier, il a quitté l’Afrique, lui le Mali et moi le Maroc, la colonie pour la métropole, afin d’entreprendre des études universitaires, il y a de cela quelques dizaines d’années.
Et puis il est toujours en France, à la retraite, comme moi, après du travail de salarié subalterne, que la métropole sait réserver à ses colonisés bardés de diplômes de ses universités, colonisés dont les pays d’origine sont ʺindépendantsʺ !
Ils ont obtenu en effet ʺl’indépendance dans l’interdépendanceʺ, statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
[3] Le r roulé, ramadan.
Mois de jeûne en Islaam.
Un mois où de l’aube au coucher du soleil, les personnes saines d’esprit et pubères ne doivent ni manger, ni boire.
Les époux et les épouses ne doivent pas avoir de rapports sexuels pendant la journée de jeûne.
C’est un mois propice aux efforts pour se ressourcer afin de s’améliorer, pour essayer de faire de son existence ici-bas, une existence alimentée par le Message d’Allaah.
Un mois pour continuer, avec plus de force encore, le parcours dans la Voie d’Allaah.
[4] Yaa ayyohaa alineçaane maa gharraka birabbik alkariime ?
(Les ″r″ roulés).
Alqoraane (Le Coran), sourate 82 (chapitre 82), Alinefitaar ((Le ″r″ roulé), La Fissuration, aayate 6 (verset 6).
[5] Le Sens du Message que le Créateur adresse à chacun d’entre nous.
[6] Le Lien avec le Créateur.
[7] Annaaçe.
[8] Qu’Allaah les laisserait dire.
[9] Dans sa traduction du Qoraane, Kachriid (le ʺrʺ roulé) note que cette épreuve peut-être aussi bien par le bien que par le mal. Allaah éprouve ainsi l’homme pour voir s’il sait le remercier dans le bonheur en respectant Sa loi et en secourant les pauvres et s’il endure le mal avec patience. C’est en effet dans la joie et dans la peine que l’homme a tendance à perdre la maîtrise de lui-même et seuls les vrais croyants gardent leur égalité d’âme quels que soient les événements extérieurs.
Salah Eddine Kechrid (Salaah Addiine Kachriid), traduction du Qoraane (Coran), Loubnaane (Liban), Bayroute (Beyrouth), éditions Daar Algharb Alislaamii, cinquième édition, 1410 (1990), première édition, 1404 (1984).
Note en bas de la page 520.
[10] Alqoraane (Le Coran), sourate 29 (chapitre 29), Al’anekaboute, L’Araignée, aayate 2 (verset 2).
[11] Alqoraane (Le Coran), sourate 2 (chapitre 2), Albaqara (le ʺrʺ roulé), La Vache, aayate 216 (verset 216).
[12] Alqoraane (Le Coran), sourate 2 (chapitre 2), Albaqara, La Vache, aayate 153 (verset 153).
[13] La soldatesque colonialo-impérialo-sioniste de France s’y connaît en massacres et destructions, et en extermination des ʺindigènesʺ.
Dotée aujourd’hui de centaines d’avions de guerre des plus performants, de centaines d’hélicoptères de combat, de drones, de portes avions et d’une flotte maritime redoutable, d’innombrables chars, de missiles, d’équipements militaires les plus récents et de tous les armements sophistiqués, cette soldatesque qui possède des armes nucléaires et un arsenal atomique, mobilise d’énormes moyens, depuis son intervention armée au Mali en 1913 (selon le calendrier dit grégorien), afin de répandre partout une diarrhée verbale de gauche avec son ʺchefʺ, le figurant François Hollande, installé sur le trône du Palais de l’Élysée en mai 2012, en remplacement de son alter ego de droite, le figurant Nicolas Sarkozy.
Cette diarrhée verbale de gauche, ne diffère en rien de celle de la droite bien sûr.
Toujours dans le registre de l’imposture, elle cherche à faire que les massacres et les exterminations visent à ʺdéfendre la paix dans le monde contre le terrorisme islamisteʺ !
Il n’y a pas si longtemps, c’était pour ʺciviliser les indigènes et les mettre au niveau de l’humanitéʺ !
[14] Comme un vrai... diraient des personnes que tu connais et qui t’aiment bien.
[15] Ces ʺlarmes sont-elles des perles de la pensée, comme la rosée après une nuit noire : l’ultime de ce qu’un homme a pu ressentir et penser et que sa plume n’a pas pu traduire en mots ?ʺ.
Driss Chraïbi (Driis chraaïbii), L’Homme du Livre, Balland-Eddif (Eddif, Maroc, 1994, Balland, France, 1995), p. 85.
Écrivain d’origine d’Afrique (Maroc) arrivé en France en 1945 pour entreprendre des études universitaires.
Sa formation universitaire ne lui a pas servi à faire une carrière professionnelle.
À S... et à moi non plus.
Il est resté dans ce pays et y a vécu jusqu’à la fin de son existence ici-bas survenue le premier avril 2007 à l’âge de 81 ans.
Il a beaucoup écrit pour dire sa préoccupation de retrouver le pays de l’enfance.
Il était dans la Drôme lorsqu’il a rejoint l’au-delà.
Son corps a été ramené au Maroc et enterré à Casablanca, où son père est également enterré.
Voir :
http://raho.over-blog.com
http://paruredelapiete.blogspot.com
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com
http://laroutedelafoi.blogspot.com
http://voyageur-autre.blogspot.com
http://lmslm.blogspot.com
http://iimaane.blogspot.com
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com

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