Nous
allons bien sûr voir ma correspondante, son époux, leur fils, son épouse, et
leurs deux filles.
Il y
a de cela plusieurs années déjà, j’avais écrit ce texte intitulé « Réciprocité »,
au sujet de ma correspondante :
« J’avais
18 ans.
Elle
en avait 15.
Elle
était dans un établissement secondaire à Accrington, dans le Lancashire, en
Angleterre.
Aujourd’hui
encore, nous nous écrivons, nous nous téléphonons et nous nous voyons.
La
relation avec ma correspondante Anglaise dure depuis 38 ans.[5]
Elle
a débuté en 1968.
J’avais
commencé à étudier l’anglais au collège, à Khemisset.[6]
Tout
de suite, comme beaucoup de camarades, je m’y étais intéressé et je m’amusais
avec eux parfois, lorsque nous apprenions un mot, à le reprendre en le
traduisant en arabe littéraire, en arabe dialectal, en berbère et en français.
Why,
limada, ‘lache, mmakh, pourquoi ?
Nous
apprenions l’anglais comme dans une sorte de jeu.
Lorsque
le professeur,[7]nous faisait répéter des
mots ou des expressions, nous nous amusions à trouver quelque chose qui a la
même consonance en arabe par exemple : confortable : kane ftbl.[8]
Full :
foule.[9]
Isn’t
il ? Znntite ?[10]
Les
rires fusaient, gagnaient toute la classe.
Un
feu d’artifice.
Le
professeur, ignorant notre jeu, se désolait de nos « rires
imbéciles ».
Il
m’arrive parfois de penser avec douceur à ces rires multi-langues, rires
joyeux, et je revois des visages en me demandant ce que sont mes camarades
devenus.
Les
verbes irréguliers[11]n’étaient
pas mon verre de thé à la menthe.
Cela
ne veut pas dire que j’étais moins bon à l’écrit.
Nous
nous amusions moins c’est sûr, mais l’écrit ne me déplaisait pas.
Avec
ma correspondante, il m’est même devenu agréable.
Après
le baccalauréat, je ne pensais pas m’expatrier pour continuer mes études en
France.
Je
crois que mon premier voyage en dehors de ce pays a été l’Angleterre.
En
effet, quelques mois après avoir quitté le Maroc, j’avais rendu visite à ma
correspondante et passé un agréable séjour avec elle, ses parents et son frère.
J’ai été reçu à son établissement, j’ai pris le déjeuner avec les professeurs
et rencontré plusieurs de ses camarades.
Le
journal local nous avait consacré un article avec une photo de ma
correspondante et moi. J’étais ainsi reconnu dans la rue et le sourire
chaleureux des passants me suivait.
Les
parents[12] de
ma correspondante faisaient le maximum pour me mettre à l’aise.
Et
je l’étais.
La
mère m’entourait de tous les soins et m’encourageait à m’exprimer longuement,
en dépit de mon anglais approximatif et limité.
Aujourd’hui
très âgée, elle garde sa sympathie et sa gaieté.[13]
Ma
correspondante a fondé une famille.
Moi
aussi.[14]
Avec
son époux, ils ont deux enfants : une fille et un garçon.
Nous
étions au mariage de la fille, en 2002.
À son tour, elle est aujourd’hui mère de
deux enfants : une fille et un garçon.[15]
Nous
nous voyons en France et en Angleterre.
Lors
de notre première visite avec mon épouse et nos enfants, ma correspondante et
son mari avaient insisté pour que nous acceptions de dormir dans leur chambre à
coucher préparée pour nous.
Nous
étions très touchés par ce geste.
Dans
cette chambre, il y avait un petit tapis décoratif, que je lui avais, jadis,
envoyé du Maroc.
Nous
nous sommes revus bien sûr après cette visite.
En
France et en Angleterre.
La
relation continue. Fondée sur le respect et la sincérité réciproques.
Tout
simplement ».
Que
dire d’autre aujourd’hui ?
Qu’Allaah
nous éclaire et nous guide.[16]
BOUAZZA
[1] Selon le calendrier dit
grégorien.
[2] Si Allaah le veut.
[3] Faas.
[4] Maghrib (le r ʺrʺoulé).
[5] Depuis cinquante et un ans
maintenant.
[6] Lkhmiçaate.
[7] Homme
ou femme.
[8] Il
était dans le tambour.
[9] Fèves
en arabe.
[10]
Znntiite, la queue d’un animal.
[11] Je
ne me souviens même plus de leur ʺformeʺ.
[12] Aujourd’hui décédés,
comme les miens.
[13] Elle est donc morte
depuis.
[14] Nos enfants aussi.
Notre fils aîné et son épouse ont un fils, et notre
fils cadet et son épouse ont deux fils.
[15] Son frère s’est marié
aussi et avec son épouse, ils ont deux filles.
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