jeudi 31 mai 2018

VOUS M’ENTENDEZ, VOUS TOUS ?

« ...J’étais issu de l’orient et des traditions de l’orient. J’avais été instruit et éduqué dans les écoles d’occident. Et non seulement la greffe avait pris, mais l’arbre n’avait jamais donné autant de fruits. Je l’ai pris alors à deux bras et je suis parti vers cet occident d’où venaient toutes sortes de greffes. Et voici : c’était comme si j’avais transporté avec moi tout un lambeau de terre, tout un monde. Et le monde vers lequel je me dirigeais m’a semblé froid, fermé et hostile. Comment dire ? Les fruits se sont desséchés sur l’arbre et, au bout de seize ans, je n’avais pas encore trouvé un seul petit lopin de terre où enterrer mon arbre mort depuis longtemps.
[...] Et assis entre deux portes fermées, j’ai tant crié à la fraternité humaine et à la connaissance mutuelle que j’en suis devenu malade, insomniaque et tressautant au vol d’une mouche. Et, par contre-coup, dans ma solitude, je me suis recrée une terre natale couleur de mirages et de vérité. Écoutez : c’est ici, dans les bidonvilles de vos cités de béton, que j’ai redécouvert l’Islam.
Vous m’entendez, vous tous ? ».[1]



[1] Driss Chraïbi, Driis Achchraaïbii (les ʺrʺ roulés) Succession ouverte, Éditions Denoël, Paris 1962, p. 180-181.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire