C’est
son prénom.
Assaahib.[1]
C’était
dans cette bourgade, une des premières où il était affecté comme agent
subalterne de l’administration colonialiste française, que mon père l’avait
connu.
C’était un enfant lorsqu’il avait
commencé à faire certaines courses pour mon père, avant que celui-ci ne soit
muté à Tafraoute,[4] dans le sud.
Assaahib était orphelin.[5]
Mon père avait décidé de le garder
avec nous en le chargeant de travaux divers.
Sa mère ne s’y était pas opposée.
Intelligent,
vif, travailleur, Assaahib avait une grande capacité d’adaptation, et était
vite devenu indispensable à la maison.
Après Tafraoute, mon père a été
muté à Taroudanete.[6]
Assaahib y avait ouvert une épicerie
où j’aimais l’accompagner parfois et rester jusqu’à ce qu’il me ramène sur son
vélo vert dont je me souviens encore.
C’était lorsque nous étions à
Rbaate je crois,[7] vers la fin des années
cinquante, après « l’indépendance dans l’interdépendance »,[8]
qu’il avait épousé ma première soeur.[9]
À Lkhmiçaate,[10]
où mon père s’était retrouvé après Rbaate, Assahiib et ma soeur, son épouse,
étaient très occupés par les travaux à la maison.
Depuis Taroudanete, mon beau-frère
n’avait plus d’épicerie, et travaillait donc à la maison à plein temps.
Dans la partie arrière du jardin,
il avait transformé certaines constructions pour en faire des « étables »
pour trois vaches, et aussi une basse-cour.
Tôt le matin, ma sœur s’occupait de
traire les vaches.
Je l’accompagnais parfois.
J’aimais assister à cette activité,
et plus particulièrement au moment où elle permettait aux veaux de téter.
Et c’était à Lkhmiçaate, en 1960
qu’Assaahib et ma sœur avaient eu leur premier enfant.
Peu de temps après la naissance de
ce premier garçon, ils avaient décidés de quitter la maison, et de louer un
logement.
Au départ, ils avaient été hébergés
par un couple.[11]
Assaabib connaissait le mari, et
son épouse était plus ou moins de notre famille.
Le mari était chauffeur de taxi.[12]
Et c’est ainsi qu’Assahiib avait
commencé à faire le même travail.
J’allais les voir dés que je
pouvais.
Mon
père ayant été affecté peu de temps après à Mknaas,[13] il m’a
mis à l’internat.
J’étais
content de rester à Lkhmiçaate, et pouvais ainsi continuer à les voir
régulièrement.
Le
couple a eu assez vite, trois autres garçons.[14]
Suite
au décès de ma soeur, Assaahib s’est remarié et a eu une fille avec sa nouvelle
épouse.
En
tant qu’époux et père, il n’est pas facile.
Il
s’est adouci un peu avec le temps, peut-être en devenant grand-père.
J’aimais
beaucoup sa défunte mère que j’ai vue plusieurs fois, et chez qui j’ai séjourné
à Tagziirte avec mon épouse.[15]
BOUAZZA
[1]
Le compagnon.
Nous l’appelons ʺssahiibʺ.
[2]
Taghzirte, tagzirte (le ʺroulé).
[3] Beni-Mellal.
[4]
Le ʺrʺ roulé.
[5]
De père.
[6]
Le ʺrʺ roulé, Taroudant.
[7]
Le ʺrʺ roulé, Rabat.
[8] Statut
octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans
les colonies par la multiplication des "États" supplétifs,
subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans
l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces
"États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la
tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge,
le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture,
l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au
Maroc, occupé par la France, l’Espagne, et autres, occupation dite
″protectorat″, le système colonialo-impérialo-sioniste a transformé le sultanat
moribond, en monarchie héréditaire, dite de "droit divin".
Le
sultan, protégé, est alors devenu roi, au service de ce système.
[9]
Née, après mon frère aîné, du premier mariage de mon père.
Avec sa deuxième épouse, ma mère, mon père a eu trois filles et deux garçons.
Avec
sa troisième épouse, il a eu huit enfants, cinq garçons et trois filles (deux
garçons sont décédés).
Avec une autre femme, il a eu un garçon.
Et d’un dernier mariage, il a eu une fille et un garçon.
[10]
Khémisset.
[11]
L’arbii (Larbi) et Ghnnou, aujourd’hui décédés.
[12]
Il faisait Lkhmiçaate, Mknaas, Lkhmiçaate (Mknaas est à une soixantaine de
kilomètres de Lkhmiçaate).
[13]
Meknés.
[14]
Durant ma dernière année de collège, j’avais décidé de quitter l’internat pour
passer l’année avec eux : c’est l’un de mes très bons souvenirs.
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