dimanche 24 mai 2020

LA DÉCONFINÉE FÊTE LA FIN DU MOIS DE RAMADAANE


Elle était en confinement depuis le mois de mars 2020,[1] en raison de l’épidémie du coronavirus.[2]
Comme le reste de la population, elle devait rester chez elle.
Si elle voulait quitter son domicile, elle devait avoir une justification.
Chez elle, elle utilisait beaucoup une petite pièce.
Mais c’est incroyable ce qu’elle est spacieuse.
Dans cet espace réduit, les souvenirs qui jaillissent ne sont jamais à l’étroit.
La petite pièce peut en accueillir à l’infini.
Depuis le lundi 11 mai 2020, c’est le déconfinement.
Aujourd’hui, c’est le premier jour du mois de chawwaal 1441 d‘alhijra.[3]
C’est ‘iide[4] alfitr,[5] la fête de la fin du mois de ramadaane.[6]
Depuis Aadame[7] sur lui la bénédiction et la paix, les croyants et les croyantes[8] font de leur mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
Pour vivre Alislaam.[9]
Le fabuleux don d’Allaah à Ses créatures.
Ils témoignent de l’unicité[10] et font ce qu’ils peuvent pour avancer sur la Voie de la noblesse.
« Ô humains ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle et avons fait de vous des peuples et des tribus[11] afin que vous vous entreconnaissiez.[12] Le plus noble d’entre vous auprès d’Allaah est le plus pieux ».[13]
Avant la prière d’al’iide, qu’elle va accomplir chez elle, et non au lieu de cette prière en commun, en raison de l’épidémie de coronavirus qui ne permet pas le rassemblement de nombreuses personnes, elle s’est acquittée de zakaate al fitr.[14]
Sa table pour le petit déjeuner, composée de dattes, de gâteaux, de galettes,[15] de crêpes[16] avec du beurre et du miel, de thé à la menthe, de café au lait, de jus de fruits, sera ouverte toute la matinée, pour quiconque viendrait lui souhaiter la bonne fête.
En premier, deux de ses petits-fils, avec leurs parents.
Pour le déjeuner, elle va leur cuisiner le plat qu’ils aiment, et qu’elle prépare toujours avec recueillement.
Dans le domaine culinaire, elle a beaucoup appris en regardant faire, et a assez tôt saisi que cuisiner, ne consiste pas seulement à préparer des mets.
C’est observer, réfléchir, se remémorer, sentir, tenir compte des nuances, transmettre, partager, offrir, témoigner sa reconnaissance au Seigneur des univers.[17]
C’est alimenter, entretenir le contact avec des sensations, des saveurs, des sons, des images, des couleurs, des parfums, des goûts, et autres.
C’est un parcours à travers le temps et l’espace.
C’est ce qu’elle vit souvent lorsqu’elle cuisine.
Quand elle prépare le couscous[18] par exemple, le plat pour ce jour de fête, elle est en profonde communication avec la semoule fine dès qu’elle commence à la caresser en la répartissant dans un grand plat.
Ce qui lui parvient, sent l’aube de la vie.
Elle arrose, avec douceur, la semoule d’eau chaude dans laquelle elle a pris le soin d’ajouter du sel auparavant, mélange avec une cuillère en bois, puis avec les mains lorsque les mains se plaisent dans la chaleur.
Un travail délicat pour que les grains soient bien détachés.
Se peut-il que ces grains soient plus précieux que des perles ?
Ces doigts s’enfoncent dans la semoule tiède, et des sensations multiples la transportent.
Des pensées se bousculent au rythme des battements de son cœur.
Par une sorte d’alchimie, les ondulations de la semoule offrent une fabuleuse fresque avec des signaux immémoriaux : un ruissellement de bien-être, une miséricorde.
Elle met la semoule dans la partie supérieure de la couscoussière qui fait « passoire », dans laquelle la semoule reçoit, pour la cuisson, la vapeur qui monte de la partie basse de la couscoussière, la marmite dans laquelle cuisent la viande et les légumes.[19]
Au bout d’une trentaine de minutes de cuisson, la semoule est répartie de nouveau dans le plat.
Elle la rafraîchit d’un bon verre d’eau pour faire gonfler encore les grains et mieux les détacher.
Elle prend tout son temps pour mélanger.
L’opération est renouvelée une deuxième fois, en y ajoutant du beurre ou du « smne ».[20]
La viande et les légumes qui cuisent dans la marmite ont eu, bien entendu, à subir son intervention.
La viande,[21] une fois nettoyée comme il se doit, est coupée en morceaux, mise dans la partie basse de la couscoussière avec des oignons émincés, du persil, de la coriandre,[22] hachés, du safran ou du curcuma, du poivre, du sel, de l’huile d’olive en quantité suffisante pour avoir une sauce onctueuse à l’arrivée.
Elle laisse revenir.
Verse de l’eau.
La quantité nécessaire.
Ajoute des tomates coupées en morceaux, des carottes, des navets.
Laisse cuire, en même temps que les grains de semoule.
Doucement.
Tranquillement.
Toute une vie s’il le faut.
Un peu avant la cuisson, elle ajoute des morceaux de citrouille lavés, coupés, sans enlever la peau, et des fèves fraîches.[23]
Lorsque c’est cuit, elle adjoint au tout le contenu d’une boîte de pois chiches déjà prêts.
Pour servir, elle répartit la semoule dans un plat profond.
La viande, les légumes et la sauce par dessus.
Une merveille.
Au moment de manger et de partager ce délice, elle fait toujours de son mieux afin de ne pas oublier d’être reconnaissante pour les infinis bienfaits qui lui sont offerts par Allaah, et d’avoir une pensée pour des personnes qui ont transmis, qui transmettent, qui transmettront les saveurs de l’amour dans les plats, des personnes sans lesquelles les « recettes de cuisine » ne valent rien.
Ses petits-fils, heureux de retrouver leur grand-mère, devinent que pour eux, elle a préparé le plat qui parle à tous leurs sens.[24] 

BOU’AZZA



[1] Selon le calendrier dit grégorien.
[2] Covid 19.
[3] Dimanche 24 mai 2020 selon le calendrier dit grégorien.
alhijra (le r roulé), l’hégire, l’émigration.
Cet exil de Mohammad, l’ultime Messager et Prophète sur lui la bénédiction et la paix, marque le point de départ, l’an 1 d’alhijra, selon le calendrier des croyants et des croyantes (cet an 1 correspond à 622 du calendrier dit grégorien).
[4] Aïd, fête.
[5] Le ʺrʺ roulé.
[6] Le ″r″ roulé, ramadan, le mois de jeûne (assawme, assiyaame) par obéissance à Allaah.
[7] Adam sur lui la bénédiction et la paix.
[8] Almouminoune wa almouminaate.
[9] L’Islaam depuis Aadame (Adam) sur lui la bénédiction et la paix, consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
L’Islaam n’est pas une question d’ethnie, de tribu, de clan, de classe sociale, de sexe, de couleur, de langue, de parti politique, de pays, de nationalité, d’Etat.
L’Islaam c’est ce qui unit les croyants et les croyantes (almouminoune wa almouminaate) où qu’ils soient, sur la base du Message d’Allaah L’Unique, Le Seigneur des univers.
Alqoraane est la continuation, la synthèse, le parachèvement du Message d’Allaah L’Unique, Le Seigneur des univers.
Mohammad, l’ultime Messager et Prophète sur lui la bénédiction et la paix (sallaa Allaah ‘alayh wa sallame), a eu pour mission de le transmettre.
[10] Attawhiid.
[11] Qabaa-i-l.
[12] Afin que vous vous connaissiez entre vous, lita’aarafou (le "r" roulé).
[13] Alqoraane (le Coran), sourate 49 (chapitre 49), Alhojoraate (le r roulé), Les Chambres, aayate13 (verset13).
[14] Prélèvement purificateur à la fin du mois de ramadaane.
Il est obligatoire en Islaam de s’acquitter de zakaate alfitr.
Les croyants et les croyantes sont tenus de s’en acquitter pour eux-mêmes, et pour les personnes à leur charge.
Elle est destinée aux musulmans et aux musulmanes pauvres et nécessiteux.
[15] Mssmmne, mloui.
[16] Bghriir (le r roulé).
[17] Rabb al’aalamiine (le ʺrʺ roulé).
[18] Tt’aame, atta’aame ( nourriture), ksksou (appelation courante au Maroc).
[19] Dans cette marmite, on peut mettre seulement de l’eau lorsque la viande et les légumes sont mis dans une cocotte-minute pour ʺgagner du tempsʺ.
[20] Beurre salé et conservé pendant des mois, voire des années.
[21] Poulet de campagne, agneau ou boeuf.
[22] Qzbour (le ʺrʺ roulé).
[23] Ou congelés.

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