dimanche 10 mai 2020

QU’EST DEVENUE LA POULE ?

J’avais sept ou huit ans.
Nous habitions au quartier de l’Océan à Rbaate.[1]
Notre maison donnait sur la rue.
d’un côté il y avait un garage tenu par un français, et de l’autre une pharmacie je crois, tenue également par des français.
C’était en 1957-1958,[2] et les colonialistes français tenaient encore beaucoup de choses.[3]
La maison, une sorte de petit « riaad »,[4] avait un patio où j’aimais jouer et auquel je repense avec douceur.
Nous occupions le rez-de-chaussée, ma belle-mère, mes sœurs, mes frères et moi.
Mon père, lui, avait le premier étage où son épouse le rejoignait la nuit.
Pour y accéder, mon père passait cependant par notre espace et y restait un peu parfois.
À notre tour, nous empruntions les allées de son territoire pour monter à la terrasse.
Un matin, pendant que je jouais seul dans le patio, j’ai entendu une sorte de bruit qui provenait de la porte d’entrée.
J’ai ouvert la porte, et une poule s’est glissée à l’intérieur de la maison.
Pendant que j’essayais de jouer avec elle dans le patio, mon père, du couloir du premier étage a demandé :
- C’est à qui cette poule ?
- Je ne sais pas.
- Comment tu ne sais pas ?
- J’ai entendu gratter sur la porte et quand j’ai ouvert, elle s’est glissée à l’intérieur.
- Va rendre cette poule à son propriétaire, au lieu de dire n’importe quoi.
- Je ne sais pas à qui elle est.
- Tu vas la rendre tout de suite.
Après avoir attrapé la poule, je suis allé chez le garagiste, je lui ai jeté la poule, et je suis retourné à la maison.
Je ne lui ai rien dit parce que je ne connaissais que quelques mots de français.
Qu’a-t-il fait de la poule ?
Je ne l’ai jamais su, et je n’ai jamais oublié cette histoire que je considère encore aujourd’hui, comme une remise en cause de ma sincérité car j’ai dit la vérité, mais mon père a jugé, sans aucune preuve, que j’ai volé cette poule.
Parfois, les parents croient que leurs enfants mentent, n’accordent pas d’intérêt à leurs explications, ne les écoutent pas, se mettent en colère, usent d’autoritarisme, et commettent par conséquent des injustices, incompatibles avec le rôle éducatif.[5] 

BOU’AZZA



[1] Le "r" roulé, Rabat
[2] Selon le calendrier dit grégorien.
[3] En 1956, le Maroc a obtenu ce qui a été  appelé ʺl’indépendance dans l’interdépendanceʺ.
Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au Maroc, occupé par la France, l’Espagne, et autres, occupation dite ″protectorat″, le système colonialo-impérialo-sioniste a transformé le sultanat moribond, en monarchie héréditaire, dite de "droit divin".
Le sultan, protégé, est alors devenu roi, au service de ce système.
[4] Le "r" roulé, riad.

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