C'était
dans les années soixante.[1]
Moi je suis resté à
Lkhmiiçaate, à l'internat.
J’allais à Mknnas en fin de
semaine, et pendant les vacances scolaires.
Lkhmiçaate est entre Rbaate[4] et
Mknaas et n'est éloignée de cette dernière ville que par une cinquantaine de
kilomètres.
Mon père avait acheté une villa
au quartier hmria,[5]
en ville nouvelle, où n’habitaient auparavant, en écrasante majorité, que les
colonialistes de France.
Depuis« l’indépendance dans
l’interdépendance »,[6] plus de
marocains commençaient à s’installer dans des villas à hmria.
Le devant de la villa donnait
sur à la rue Bugeaud.[10]
C’est
dans la partie arrière, qui donnait sur une autre rue, que cette photo a été
prise.
Mes
neveux, trois frères, sont devenus quatre par la suite.
Les
enfants de ma soeur décédée en 1970.[11]
Avec
son époux et leurs enfants, ils habitaient à Lkhmiiçaate, et venaient, de temps
à autre à Mknaas.
Une profonde
douceur se dégage de cette photo où le frère aîné, enfant aimant et protecteur,
et les deux autres neveux, transmettent l’envie de les serrer fort contre soi.
Je la regarde et je murmure en moi :
Kaana lii fiimaa madaa.[12]
BOUAZZA
[1] Selon le calendrier dit
Grégorien.
[2] Khémisset.
[3] Meknès.
[5] Le ʺrʺ roulé.
[6]
Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est
traduit dans les colonies par la multiplication des "États"
supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de
servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces
"États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la
tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge,
le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture,
l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au
Maroc, occupé par la France, l’Espagne, et autres, occupation dite
″protectorat″, le système colonialo-impérialo-sioniste a transformé le sultanat
moribond, en monarchie héréditaire, dite de "droit divin".
Le
sultan, protégé, est alors devenu roi, au service de ce système.
[7] Dite la médina.
Pluriel de "nçraani", nazaréen, chrétien,
français.
[9]
Nouveaux.
Les
nouveaux français.
[10] Du
nom du militaire, marquis, duc et maréchal (1784-1849) qui s’est distingué dans
les massacres sous Napoléon, dans les répressions de révoltes à Paris, et
surtout dans les horreurs de l’occupation de l’Algérie où il a été "gouverneur général".
Il
disait que le but du colonialisme "est
d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer […] ou de les
exterminer jusqu’au dernier".
L’armée
colonialiste française chantait "la
casquette du père Bugeaud" que
certains continuent encore de chanter en refusant d’admettre qu’il était un
criminel contre l’humanité, comme d’innombrables autres avant lui, et
d’innombrables autres après qui reçoivent des hommages et des prix Nobel de "la paix".
"L’indépendance dans l’interdépendance" a gardé son nom, ceux d’autres
criminels, en a donné, donne et donnera encore aux rues des noms de criminels.
[11] L’aîné des quatre enfants avait dix ans.
Sa mère vingt-huit.
J’avais quitté le Maroc cette année là pour des études
universitaires en France.
Personne de ma famille ne m’a informé de ce décès.
Pour ne pas perturber ʺmes étudesʺ avaient dit
certains : est-ce pour cela que les cours ont eu encore moins d’intérêt
pour moi par la suite ?
Elle est morte au mois de mai, et je n’ai appris son
décès qu’au mois de juillet.
J’ai passé avec cette sœur des moments bénis.
Après son décès, j’ai perdu de vue mes neveux.
Même lorsque je suis revenu au Maroc en 1977, et que
j’ai passé quatre ans à Lkhmiçaate avant de repartir en France en 1981, je
n’avais que très peu de contacts avec eux.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire