jeudi 15 novembre 2018

LE SERVITEUR DU DÉTERMINANT

‘abd[1] Alqaadir[2]
Le serviteur du Déterminant.[3]
Il a dirigé la résistance contre l’invasion, les massacres, les destructions, les horreurs, et autres, du colonialisme français en Algérie, qui ont commencé en 1830, et qui ont permis à des militaires, des criminels comme Bugeaud, de s’illustrer dans l’extermination des populations.
Marquis, duc et maréchal, Bugeaud[4] s’est distingué dans les répressions de révoltes à Paris, et surtout dans les horreurs de l’invasion de l’Algérie où il a été « gouverneur général ».
Il disait que le but du colonialisme « est d’empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer […] ou de les exterminer jusqu’au dernier ».
L’armée colonialiste française chantait « la casquette du père Bugeaud » que certains continuent encore de chanter en refusant d’admettre qu’il était un criminel contre l’humanité, comme d’innombrables autres avant lui, et d’innombrables autres après, à qui des hommages sont toujours rendus.
Au Maroc, « l’indépendance dans l’interdépendance »[5] a gardé son nom, ceux d’autres criminels, en a donné, donne et donnera encore aux rues des noms de criminels.
Adolescent à Meknaas,[6] notre habitation se trouvait dans ʺla rue Bugeaudʺ.
C'était dans les années soixante.
Lorsque mon père, fonctionnaire, a été muté à Mknaas, il avait décidé de me laisser à Lkhmiçaate,[7] à l'internat de l’établissement Mouçaa Ibn Noçayr.[8]
Lkhmiçaate est entre Rbaate[9] et Mknaas et n'est éloignée de cette dernière ville que par un peu plus de cinquante kilomètres.
Je rentrais de temps à autre à la maison à la fin de la semaine.
De la voiture, je regardais les champs sans me lasser.
Je connaissais bien cette route avec les virages dits d’Ouad-Bhte.[10]
Elle était bordée d'interminables fermes de colons, avec parfois des oliviers et des vignes[11] à perte de vue et une éolienne qui tournait au gré du vent.[12]
Après les jardins dits de « la vallée heureuse », la voiture ne tardait pas à pénétrer dans la ville : bab lkhmiis, bab Maneçour,[13] rouamzine,[14] le consulat de France et le grand bâtiment du commissariat central signalant l'entrée à hmria[15] en ville nouvelle.
Les villas de hmria commençaient à être occupées par plus de marocains qu'avant ce qui a été appelé « l’indépendance dans l’interdépendance ».
Les gens de l’ancienne ville appelaient ces marocains « nçaaraa[16] jdaad ».[17]
Après le rond point en face du cinéma « caméra », la voiture passait devant le bar « le roi de la bière », tournait à gauche, dépassait le pont de la gare ferroviaire et arrivait, quelques minutes plus tard, à la rue Bugeaud où se trouvait la maison que nous occupions.
Mais revenons à ‘abd Alqaadir.
Défait en 1847, il a été déporté en France.
Emprisonné avec des membres de sa famille et des compagnons[18] d’abord au fort lamalgue à Toulon, ensuite à Pau, ils ont été transféré en 1848 au château d’Amboise, utilisé comme prison à cet occasion.
Durant quatre années, les captifs ont vécu dans des conditions pénibles.
Seuls deux lits étaient installés au château.
Les prisonniers avaient du mal à se chauffer, n’avaient pas assez de couvertures, pas assez de vêtements.
Ils souffraient de mal nutrition, de multiples maladies, et autres.
Plusieurs sont morts en détention, parmi eux des enfants :
« L’enfant mourut le 19 novembre 1848. [...].
Des prières s’élevaient du château où les hommes et les femmes jeûnaient à chaque étape de leur destinée. Comment, sinon, se fussent-ils purifiés de manière sûre ? Comment n’eussent-ils pas faibli et moisi ? Exilés comme leur père Abraham,[19] appelés de même à éprouver leurs sens jusqu’à la complète connaissance, ils jeûnèrent donc en dépit des avertissements du médecin : leurs ventres avaient faim des pousses de l’esprit, et leurs organes aspiraient à restaurer en eux l’espace d’une virginité. Pour les laver et venir à bout des miasmes étrangers, il eût fallu le Déluge. Cette Loire et ses crues ? Quand ils regrettaient l’oued El-Hammam[20] et l’eau guérisseuse[21] de la plaine d’Elghriss ?[22] Les saints se détachaient des enveloppes provisoires et unifiaient leurs forces, qui n’allaient plus frapper à tous les huis du corps. Et une fois unifiés, eux, les morts d’avant la mort, fusaient vers le Vrai fécondant pour nourrir l’Univers d’abondance subtile. Voilà pourquoi la suite d’Abdelkader jeûnait comme
Abraham,[23] comme Moïse[24] et comme le Christ,[25] le prophète angélique : elle désirait le néant, qui était le chas du monde. Il suffisait à chacun de s’écarter des limites humaines et, au coeur de l’exil terrestre, d’en choisir un autre. Il s’agissait de se retirer, hors du temps et des lieux, dans le désert intérieur qu’était le temple de Dieu[26] ».[27]
Libéré en 1852, ‘abd Alqaadir a fini par se rendre en Syrie où il a vécu jusqu’à sa mort, et où il a été enterré.[28]
« Le prince-président Louis Napoléon Bonaparte vint annoncer sa libération à Abdekader au château d’Amboise le 16 octobre 1852, mettant fin à quatre années de captivité en Touraine. L’émir fut conduit avec toute sa famille à Brousse,[29] en Turquie,[30] et rejoignit ainsi le Dar al-islam,[31] « la Demeure de l’islam », et le pays de ses ancêtres venus du Hijâz,[32] au nord de La Mecque.[33] Cependant, mal accueilli par ceux qui redoutaient de voir s’étendre son influence parmi les émigrés issus du Maghreb[34] colonisé, il quitta la Turquie  pour le Liban[35] en 1854 et s’installa à Damas l’année suivante dans la maison de son maître spirituel, l’Andalou[36] Ibn ‘Arabi,[37] où il put vivre jusqu’à sa mort avec les siens ».[38]
Sans parler des bagnes et des lieux d’enfermement utilisés par le colonialisme dans les colonies, bagnes et lieux d’enfermement dans les quels des prisonniers par milliers ont eu à faire face à de terribles conditions de détention,[39] plusieurs endroits en métropoles ou dans ce qui est appelé les territoires d’outre-mer, ont servi de lieux de déportation de résistants, dits « terroristes », et autres.
C’est ainsi, par exemple , que ‘abd Alkariim[40] Alkhattaabii,[41] dirigeant de la résistance au nord du Maroc,[42] dans la région du Rif,[43] passera 21 ans, déporté avec quelques proches, dans l’Ile de la Réunion, colonisée par la France.
Dans les arrangements entre les puissances colonialistes pour le partage de l’Afrique, l’Espagne s’est vu reconnaître par la France des droits sur le nord du Maroc.
En 1921, l’armée espagnole a engagé dans la région des dizaines de milliers de militaires, commandés par le général Sylvestre, afin d’écraser la résistance des populations du Rif et son dirigeant Mohammad Ben ‘abd Lkriim Lkhttaabii.
C’est la bataille dite d’Anoual.[44]
L’armée colonialiste de l’Espagne est décimée.
La résistance menace toute l’entreprise du colonialisme au Maroc.[45]
La France prête main forte à l’Espagne.
Le général Naulin prend le commandement des opérations coordonnées par le maréchal Pétain qui négocie à Madrid avec le général Primo de Rivera, la collaboration Franco-Espagnole[46]contre la résistance au Maroc.[47]
La France et l’Espagne concentrent des centaines de milliers de militaires dotés d’un matériel de destruction terrifiant, appuyés, à l’époque déjà, par plusieurs escadrilles d’aviation.
Un horrible carnage est commis.[48]
Face à la résistance victorieuse des Indigènes,[49] le colonialisme hispano-français,[50] soutenu par d’autres, a procédé, comme c’est le cas dans toutes les entreprises de ce genre, à ce qu’il a fait partout :
Horreurs.
Terreurs.
Carnages.
Abjections.
Orgies exterminatrices.
Le criminel Pétain,[51] qui a dirigé les opérations, s’est illustré dans les massacres.
Le sinistre Franco[52] a fait ses premières classes d’assassin à cette époque.
Les tueurs ont pavoisé.[53]
En 1926, Mohammad Ben ‘abd Lkrim Lkhttabi[54] est déporté dans l’Ile de la Réunion.
En 1947, lors d’une escale pendant un transfert en bateau, ‘abd lkrim a pu rester en Egypte,[55] où il a poursuivi la lutte contre le colonialisme qui continuait le massacre des indigènes un peu partout.
Jusqu’à son décès, il a refusé de retourner au Maroc de «l’indépendance dans l’interdépendance» où les indigènes étaient encore haïs, méprisés, humiliés, écrasés, et le sont encore.
Le système colonialo-impérialo-sioniste continue les massacres.
Un peu partout.
Des populations à travers le monde ont connu et connaissent la domination.
Les massacres.
Les crimes multiples.
Les pillages.
Les usurpations.
Les tortures.
Les viols.
Les transgressions sans nombre.
Les humiliations.
La terreur.
La désagrégation.
Le désarroi.
Les déséquilibres.
L’harmonie mutilée.
La mémoire infectée.
La décomposition alimentée.
Les « empires coloniaux » ont peut-être disparu, mais pas les méfaits du système colonialo-impérialo-sioniste.
La résistance, sous de multiples formes, se poursuit.
la marche continue.
Les marcheurs, de tous les horizons, marchent toujours.
Ils n’oublient pas.
« Et l’avenir est à la piété ».[56]
  
BOUAZZA



[1] La première lettre du prénom ‘abd c’est le lettre ‘ (‘iine) qui n’existe pas dans l’alphabet français, et non la lettre a (qui n’est donc pas écrite ici en lettre majuscule).
Né à aljazaa-i-r (le "r" roulé), Algérie le 6 septembre 1808 selon le calendrier dit grégorien, mort le 26 mai 1883 à Dimachq (Damas) à souryaa (le "r" roulé), en Syrie.
[2] Le ʺrʺ roulé, Le Déterminant.
Abd Elkader, l’émir Abdelkader.
[3] Le serviteur d’Allaah.
[4] 1784-1849
[5] Statut octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
[6] Meknes.
[7] Khémisset.
[8] École primaire dite "franco-musulmane" à laquelle a été ajoutée une partie collège, avant que le tout ne soit lycée.
[9] Le "r" roulé, Rabat.
[10] Waade-Beht.
[11] La production viticole continue, et ses consommateurs qui se disent "musulmans" y sont très attachés, comme ils sont attachés aux vins et alcools importés qui contribuent à faire de ce pays dit "musulman", un pays où règne l’alcoolisme et tout ce qui l’accompagne.
[12] J’ai toujours aimé les éoliennes.
[13] Le "r" roulé.
[14] Le "r" roulé.
[15] Le "r" roulé.
[16] Le "r" roulé.
Pluriel de "nçraanii" (le "r" roulé), nazaréen, chrétien, non-musulman, français.
[17] Les nouveaux.
Les nouveaux nazaréens, chrétiens, non-musulman, français (parce qu’auparavant, ces demeures étaient réservées aux colonialistes français).
[18] Une centaine de personnes.
[19] Ibraahiime (le ʺrʺ roulé) sur lui la bénédiction et la paix.
[20] Waad alhammaame.
[21] Les soignants soignent, et Allaah guérit.
[22] Ghriis (le ʺrʺ roulé).
[23] Ibraahiime sur lui la bénédiction et la paix.
[24] Mouçaa sur lui la bénédiction et la paix.
[25] Al maçiih.
‘iiçaa Ibn Mariame (le "r" roulé) sur lui la bénédiction et la paix, Jésus fils de Marie sur lui la bénédiction et la paix.
La première lettre du prénom ‘iiçaa c’est le lettre ‘ (‘iine) qui n’existe pas dans l’alphabet français, et non la lettre i (qui n’est donc pas écrite ici en lettre majuscule).
[26] Allaah.
[27] Martine Le Coz, Le jardin d’Orient, Éditions Michalon, Paris 2008, p. 89-90.
[28] Le transfert de ses restes à Alger a eu lieu en 1965.
[29] Bursa, Bourça (le ʺrʺ roulé).
[30] Torkya (le ʺrʺ roulé).
[31] Daar alislaam (le ʺrʺ roulé), espace où les populations sont gouvernées selon le Message d’Allaah.
[32] Hijaaz en Arabie.
[33] Makka.
[34] Maghrib (le ʺrʺ roulé).
[35] Lobnaane.
[36] Alanedaloçiyy.
[37] Ibn ‘arabii (le ʺrʺ roulé).
La première lettre de ‘arabii c’est le lettre ‘ (‘iine) qui n’existe pas dans l’alphabet français, et non la lettre a (qui n’est donc pas écrite ici en lettre majuscule).
[38] Martine Le Coz, op.cit, p. 211 ;
[39] Beaucoup sont morts dans ces lieux.
[40] Le serviteur du Généreux, le serviteur d’Allaah.
[41] Mohammad Ben Abd Lkriim Alkhttabii (le ʺrʺ roulé).
[42] Lmghrib, Almaghrib (le ʺrʺ roulé).
[43] Arriif, Rriiff (le ʺrʺ roulé).
[44] Nom du lieu.
[45] La République du Rif a été proclamée en 1921 avec à sa tête, le serviteur du Généreux.
[46] Pour défendre la ʺLibertéʺ, la ʺCivilisationʺ et la ʺConscience Universelleʺ selon l’étable de la loi des massacreurs des résistants.
[47] En 1924, Lyautey, premier Résident Général du colonialisme français au Maroc a déclaré, concernant ce dirigeant de la résistance :
ʺC’est un champion de l’indépendance musulmane qui se lève sur notre front Nord. Il ne saurait se produire pour notre établissement au Maroc de facteur plus défavorable que l’instauration, à si faible distance de Fès, en bordure de la méditerranée, d’un groupement musulman autonome, modernisé et appuyé par des populations guerrières...ʺ.
[48] Franco, ʺfils de Pétainʺ, va s’illustrer dans les horreurs auxquelles il n’a pas manqué de recourir pour conquérir la présidence de son pays. Et le système du Maroc de ʺl’indépendance dans l’interdépendanceʺ va également s’illustrer dans les horreurs contre les populations du Rif et les populations des autres régions.
[49] Appellation arrogante et méprisante utilisée par le colonialisme, pour désigner les populations des territoires colonisés.
[50] Qui craignait de perdre la colonie et de ne plus pouvoir se référer au ʺprotectoratʺ pour ʺjustifierʺ les massacres des populations.
[51] Président de la République française durant l’occupation par l’Allemagne (régime de Vichy, 1940-1944).
À cette époque, des ʺrésistants françaisʺ fuyaient la France occupée pour s’installer au Maroc colonisé par la France qui envoyait des marocains colonisés (et des colonisés d’autres contrées) combattre l’Allemagne pour libérer la France !
Pendant la guerre dite de ʺ14-18ʺ, la France colonialiste au Maroc envoyait déjà des marocains colonisés (et des colonisés d’autres contrées) combattre l’Allemagne pour libérer la France !
[52] Chef de l’État espagnol de 1939 à 1975.
[53] Ceux d’aujourd’hui pavoisent également.
[54] Né au nord du Maroc, à Ajdiir (le r roulé) en 1882, mort en Égypte, au Caire, Alqaahira (le ʺrʺ roulé) en 1963.
[55] Miçr (le ʺrʺ roulé).
[56] Wa al’aaqiba littaqwaa.
Alqoraane (Le Coran), sourate 20 (chapitre 20), Ta-ha, aayate 132 (verset 132).
Je ne fais que répéter beaucoup de ce dont j’ai déjà parlé.
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com

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