Je ne
l’ai pas oublié.
Je
reprends ce texte que je lui ai consacré il y a quelques années.
Je
l’ai connu au début de ma scolarité au lycée, à Faas.[1]
Notre
rencontre avait ce « quelque chose » qu’on n’explique pas et qui,
instantanément et de manière forte, scelle et renforce une relation, comme par
enchantement.
Il
venait de la région de Wjda.[2]
D’une
famille très démunie matériellement.
Sa
richesse cependant était grande par l’authenticité de ses sentiments et sa
franche camaraderie.
Je
l’ai tout de suite aimé.
De
cet amour fraternel de notre jeune âge.
Et
c’était réciproque.
De
temps à autre, il m’arrivait de lui donner, discrètement un peu d’argent[3] ou
autre chose, avec humilité et modestie.
Il
acceptait sans façon car il avait tout de suite compris que c’était l’élan du
cœur.
Nous
avions beaucoup de plaisir à lire, et à échanger des idées.[4]
Nous
passions de longs moments à rire aussi.
De
tout.
J’aimais
comme lui imiter les professeurs, parfois jusque dans les détails qui
paraissaient « insignifiants » et qui par notre imitation devenaient
« importants ».
En
arrivant au lycée, son rêve était d’atteindre la terminale, pour pouvoir
étudier la philosophie[5] qu’on
n’étudiait pas avant.
Cette
matière le passionnait.
En
terminale, je l’écoutais avec plus d’intérêt que je ne le faisais avec le
professeur.
Il
était intarissable sur HEIDEGGER.
Je
ne me souviens plus de tout ce qu’il disait.
Mais
j‘ai parfois l’impression d’entendre sa voix, lorsqu’il s’appliquait dans la prononciation
du nom de ce personnage, afin d’accentuer le côté « guttural » pour
impressionner et des fois pour faire rire.
HEIDEGGER.
La
sonorité de ce nom nous était plaisante et nous donnait l’impression de
connaître le personnage, juste parce que nous connaissions son nom.
Plus
il parlait de ce personnage, et plus il exposait son souhait d’être enseignant
de philosophie dans un lycée.
Avant
la terminale, je l’appelais déjà alfaylasouf[8].
Au
Maroc, j’ai quitté l’enseignement dit supérieur au début de l’année 1969-1970
pour le continuer en France[9].
Je
n’ai pas revu le philosophe depuis.
Je
n’ai plus jamais eu de ses nouvelles.
Je
pense parfois à lui.
« Dans
le noir de la cour de l’internat, il illuminait la soirée en parlant du ciel et
de la terre. »[10]
Qu’a
t-il atteint par le biais de la « philosophie » ?
A
t-il pu approfondir le Sens ?[11]
Renforcer
le Lien ?[12]
Je
l’espère de tout cœur.
BOUAZZA
[1] Fès.
[2] Oujda.
[3] Mon
père m’en donnait très peu.
[4] Il
n’aimait pas le sport, alors que pour moi, c’était important.
Je
ne comprenais pas comment il pouvait se dispenser de jouer au football.
[5]
J’avais compris par la suite qu’il s’agit de la ʺphilosophieʺ dite
ʺeuropéenneʺ, ʺoccidentaleʺ.
La
ʺphilosophieʺ de pays colonialo-impéria-sioniste, dits ʺcivilisésʺ.
[6] Ecole
Normale Supérieure.
[7] Moi
j’ai fini par m’inscrire en ʺlettres modernesʺ, mais je n’avais pas de projet
professionnel.
Je
ne l’ai jamais eu.
[8] Le
philosophe..
[9] Je ne
pouvais pas continuer des études qu’à Rbaate (le ʺrʺ roulé), Rabat.
Le
climat de cette ville était mauvais pour ma santé.
[10]
Texte daté de 1992, selon le calendrier dit grégorien.
[11] Le Sens du Message
d’Allaah.
[12] Le Lien avec Allaah.
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