mardi 30 avril 2019

DANS LE NOIR DE LA COUR DE L’INTERNAT


Je ne l’ai pas oublié.
Je reprends ce texte que je lui ai consacré il y a quelques années.
Je l’ai connu au début de ma scolarité au lycée, à Faas.[1]
Notre rencontre avait ce « quelque chose » qu’on n’explique pas et qui, instantanément et de manière forte, scelle et renforce une relation, comme par enchantement.
Il venait de la région de Wjda.[2]
D’une famille très démunie matériellement.
Sa richesse cependant était grande par l’authenticité de ses sentiments et sa franche camaraderie.
Je l’ai tout de suite aimé.
De cet amour fraternel de notre jeune âge.
Et c’était réciproque.
De temps à autre, il m’arrivait de lui donner, discrètement un peu d’argent[3] ou autre chose, avec humilité et modestie.
Il acceptait sans façon car il avait tout de suite compris que c’était l’élan du cœur.
Nous avions beaucoup de plaisir à lire, et à échanger des idées.[4]
Nous passions de longs moments à rire aussi.
De tout.
J’aimais comme lui imiter les professeurs, parfois jusque dans les détails qui paraissaient « insignifiants » et qui par notre imitation devenaient « importants ».
En arrivant au lycée, son rêve était d’atteindre la terminale, pour pouvoir étudier la philosophie[5] qu’on n’étudiait pas avant.
Cette matière le passionnait.
En terminale, je l’écoutais avec plus d’intérêt que je ne le faisais avec le professeur.
Il était intarissable sur HEIDEGGER.
Je ne me souviens plus de tout ce qu’il disait.
Mais j‘ai parfois l’impression d’entendre sa voix, lorsqu’il s’appliquait dans la prononciation du nom de ce personnage, afin d’accentuer le côté « guttural » pour impressionner et des fois pour faire rire.
HEIDEGGER.
La sonorité de ce nom nous était plaisante et nous donnait l’impression de connaître le personnage, juste parce que nous connaissions son nom.
Plus il parlait de ce personnage, et plus il exposait son souhait d’être enseignant de philosophie dans un lycée.
Après le baccalauréat, il avait opté pour l’E.N.S.[6] comme moi[7].
Avant la terminale, je l’appelais déjà alfaylasouf[8].
Au Maroc, j’ai quitté l’enseignement dit supérieur au début de l’année 1969-1970 pour le continuer en France[9].
Je n’ai pas revu le philosophe depuis.
Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles.
Je pense parfois à lui.
« Dans le noir de la cour de l’internat, il illuminait la soirée en parlant du ciel et de la terre. »[10]
Qu’a t-il atteint par le biais de la « philosophie » ?
A t-il pu approfondir le Sens ?[11]
Renforcer le Lien ?[12]
Je l’espère de tout cœur.
  
BOUAZZA



[1] Fès.
[2] Oujda.
[3] Mon père m’en donnait très peu.
[4] Il n’aimait pas le sport, alors que pour moi, c’était important.
Je ne comprenais pas comment il pouvait se dispenser de jouer au football.
[5] J’avais compris par la suite qu’il s’agit de la ʺphilosophieʺ dite ʺeuropéenneʺ, ʺoccidentaleʺ.
La ʺphilosophieʺ de pays colonialo-impéria-sioniste, dits ʺcivilisésʺ.
[6] Ecole Normale Supérieure.
[7] Moi j’ai fini par m’inscrire en ʺlettres modernesʺ, mais je n’avais pas de projet professionnel.
Je ne l’ai jamais eu.
[8] Le philosophe..
[9] Je ne pouvais pas continuer des études qu’à Rbaate (le ʺrʺ roulé), Rabat.
Le climat de cette ville était mauvais pour ma santé.
[10] Texte daté de 1992, selon le calendrier dit grégorien.
[11] Le Sens du Message d’Allaah.
[12] Le Lien avec Allaah.

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