lundi 22 octobre 2018

SUR MON GRAND-PÈRE PATERNEL


Une de mes soeurs qui cherche à comprendre des situations pour surmonter certains problèmes, a eu besoin de précisions afin d’exposer à son soignant des faits relatifs à notre famille.
Elle s’est adressée à moi par « mail »,[1] pour avoir des données concernant notre grand-père paternel :
« je vais essayer de faire de mon mieux pour te transmettre certaines informations au sujet de notre grand-père paternel.
J’espère qu’elles te seront utiles dans le cheminement qui est le tien.
Ces informations proviennent de différentes sources.
Elles sont parcellaires, parfois peut-être romancées, mais peuvent en effet, éclaircir un point ou un autre.
Avant la colonisation officielle du Maroc en 1912,[2] principalement par la France et l’Espagne, une partie de la population Smaa’laa, appelée Lbraakça, et autres, aux environs de Ouad Zmm,[3] a eu, au dix-neuvième siècle, vers 1883, à affronter les hordes du sultan,[4] qui s’attaquaient à des tribus pour les piller et les soumettre.
Parmi les survivants de cette population, certains, dont notre arrière grand-père, se sont réfugiés au sein de la tribu Zmmour[5] à Tiddaas[6] et aux alentours.
Et c’est ainsi, paraît-il, que notre grand-père paternel est né en tribu zmmour,[7] et s’est marié avec une fille de Zmmour, mariage par lequel il a été considéré comme faisant partie de la population de la tribu de son épouse.[8]
Lorsque notre père était enfant, sa mère n’a pas été à la hauteur du mariage, de la famille, et autres.
Elle s’adonnait à l’adultère[9] avec un indigène[10] au service du colonialisme français.
Que savait-elle du le mariage ?[11]
Comment voyait-elle la famille ?
Comment pouvait-elle aller si loin dans l’incompréhension de ce qui est élémentaire  pour une épouse ?
Pour une mère ?
Que savait-elle de la confiance ?
De la dignité ?
De l’honneur ?
Du respect de soi ?
Du respect de l’autre ?
De la responsabilité ?
Comment pouvait-elle ignorer la gravité de son acte ?
Notre grand-mère recevait son amant dans la tente[13] conjugale.
Et la nuit, lorsque notre grand-père était absent, notre père, enfant, que sa mère croyait endormi, ne ratait rien des ébats de celle-ci et de son amant.
Une nuit, notre père avait accompagné le sien, notre grand-père, pour une embuscade dans un ravin, afin d’éliminer l’amant qui empruntait le chemin, à proximité du lieu où il était attendu.
L’obscurité était totale.
Le coup de feu a été tiré dans le noir, et n’a pas atteint la cible.
À cette époque, les troupes colonialistes françaises étaient engagées contre la résistance dans la région.
Le colonialisme enrôlait des supplétifs indigènes pour servir de chair à canon, afin de limiter les pertes parmi les effectifs de la soldatesque métropolitaine qui elle, était considérée comme de la chair à canon de « qualité », à traiter autrement.
Ayant divorcé suite à la trahison de son épouse, il a quitté la région pour aller je ne sais où, et a été tué par des résistants.
Lui-même en avait tué quelques uns auparavant.
La trahison.
Une trahison d’une autre nature.
Qu’est ce qu’il en a retenu ?
Quelle a été la place de l’adultère de sa mère dans son parcours ?
Comment a-t-il vécu de son père ?
Quelles conséquences l’adultère de sa mère a-t-il eu sur ses divers mariages ?
Sur ses rapports avec ses enfants ?
Avec d’autres ?
Comment voyait-il la femme ?
Lui-même n’a pas cessé de s’adonner à l’adultère.
Après son divorce, notre grand-mère a épousé son amant.
celui-ci s’était mis à la mépriser.
Á la soumettre à des violences, qui, parait-il, avaient fini par entraîner sa mort.[14]
Ce mari qui a vécu longtemps après la mort de notre grand-mère, venait chez nous lorsque j’étais adolescent, et il était bien reçu par notre père.
Pourquoi venait-il ?
Pourquoi notre père lui réservait un bon accueil ?
Je n’en sais rien, et je n’ai pas cherché à savoir.
N’hésite pas à me demander d’autres informations : je ferai de mon mieux, ine chaa-e Allaah,[15] pour te répondre, et t’aider ainsi peut-être, à rendre un peu plus simple ce qui semble compliqué ».[16]
  

BOUAZZA



[1] E-mail, message, courrier électronique envoyé par internet, depuis une boîte aux lettres électronique vers une autre.
[2] Selon le calendrier dit grégorien.
[3] Oued Zem, vers Khouribga (le ʺrʺ roulé).
[4] Lmkhzne, makhzen ʺpouvoir du sultanʺ.
Á partir de 1912, le système colonialo-impérialiste s’est saisi du Maroc, occupé par la France, l’Espagne, et autres, occupation dite ″protectorat″, et a transformé le sultanat moribond, en monarchie héréditaire, dite de "droit divin".
Le sultan, protégé, est alors devenu roi, au service de ce système.
Et ce régime de l’imposture sévit encore.
Ce qui a été appelé par la suite ʺindépendance dans l’interdépendanceʺ, est un statut octroyé par le système, et qui s’est traduit dans les colonies par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces "États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge, le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture, l’enfermement, la négation de l’être humain.
[5] Zemmour, que le sultan craignait et n’osait pas agresser.
[6] Tiddas, Tedders.
[7] Le ʺrʺ roulé.
[8] AAyte Hkm, Aïte Hkem ?
[9] Au Maroc, comme dans d’autres pays dits ʺmusulmansʺ, l’adultère est répandue.
[10] Appellation arrogante et méprisante utilisée par le colonialisme, la métropole, pour désigner les populations des territoires colonisés, la colonie.
[11] Que savait-elle des enseignements de l’Islaam sur la femme, ou l’homme, qui s’adonne à l’adultère ?
[12] La première trahison c’est d’abord la trahison de l’engagement envers Allaah.
ʺEt lorsque ton Seigneur tira des reins des fils d’Aadame leur progéniture et les fit témoigner contre eux-mêmes : ʺNe suis-Je pas votre Seigneur ?ʺ Ils dirent : ʺSi, nous en témoignonsʺ.
Alqoraane (Le Coran), sourate 7 (chapitre 7), sourate Ala’raaf (le ʺrʺ roulé), aayate 172 (verset 172).
C’est dire que notre histoire commence avant notre apparition ici-bas.
Ce commencement est marqué par un engagement.
Dans sa traduction du Qoraane, Kachriid (les ʺrʺ roulés) note qu’il s’agit du fameux pacte pris par Allaah sur la race humaine dès sa création. C’est un acte de foi et d’allégeance selon lequel les enfants d’Aadame (Adam) sur lui la bénédiction et la paix, reconnaissent et attestent que Allaah est leur Seigneur-et-Maître en exclusivité et sans restriction aucune.
Donc chaque être humain est lié à sa naissance par ce pacte et s’il renie son Seigneur-et-Maître ou Lui donne quelque associé, il a manqué à son engagement et commis la plus grosse injustice.
Salaah Addine Kachriid (Salah Eddine Kechrid), traduction du Qoraane (Coran), Loubnane (Liban), Bayroute (Beyrouth), éditions Daar Algharb Alislaami, cinquième édition, 1410 (1990), première édition, 1404 (1984).
Note en bas de la page 221.
Qu’Allaah pardonne nos égarements, nos errements, nos fautes, nos mauvais comportements, et autres, dans les multiples domaines.
Il Est Celui qui répond aux invocations.
[13] Habitat rural, akhaame, lkhiima, alkhayma.
[14] Coup de crosse à la tête.
Notre grand-mère paternelle et notre grand-père paternel avaient eu une fille avant notre père et une après.
Suite à son mariage avec son amant, elle a eu deux garçons (dont un est aujourd’hui décédé) et une fille (aujourd’hui décédée aussi).
Nos oncles et notre tante paternels.
Notre grand-mère est décédée quelques années après notre grand-père paternel.
Leurs filles, nos tantes paternelles, que je n’ai pas connues, sont décédées quelques années après leur mariage.
Le second mari de notre grand-mère a vécu de longues années après elle.
Il a eu d’autres femmes, et d’autres enfants, dont une fille, de presque mon âge qui était scolarisée dans le même collège que moi à Lkhmiçaate (Khémisset).
Elle avait épousé le frère cadet du premier mari de notre sœur institutrice (aujourd’hui retraitée).
Les deux frères sont aujourd’hui décédés ; le deuxième mari de notre grand-mère aussi.
[15] Si Allaah veut.

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