dimanche 19 juillet 2020

CUISINE


La cuisine est un thème qui n’est pas simple à étudier.
Comme d’autres sujets, il a donné lieu, donne lieu, donnera lieu, à d’innombrables approches.
Ces approches diffèrent selon les préoccupations, les interrogations, les orientations, les intérêts, les objectifs, des uns et des autres.
Le thème de la cuisine met ainsi en mouvement, lui aussi, différentes interprétations, analyses, pratiques.
La cuisine au Maroc, par exemple, a été nourrie, est nourrie, sera nourrie, de divers apports liés aux provenances des populations, à la multiplicité des ethnies, aux influences dites culturelles, aux différences sociales, et autres, qui lui ont donné, lui donnent, lui donneront, à travers le temps et l’espace, son caractère, sa personnalité.
Une de mes soeurs[1] m’a transmis le goût de cuisiner.
J’ai vécu chez elle, son époux, et leurs enfants à Lkhmiiçaate dans les années soixante.[2]
J’ai beaucoup appris par la simple observation, et je me débrouillais assez bien pour l’aider dans ce domaine.
Je me lançais dans quelques préparations.
Mais c’est en France[3] que je me suis mis à confectionner certains plats du Maroc.[4]
Aujourd’hui, il m’arrive de cuisiner pour mes petits-fils.
Lorsque je leur fais un couscous, c’est beaucoup plus qu’un plat.
Je suis comme en communication avec la semoule fine dès que je la libère du paquet, et que je commence à la caresser en la répartissant dans l’ensemble d’un grand plat.
Les sons et les images qui me parviennent font partie d’une immémoriale harmonie.
J’arrose, avec douceur, la semoule d’eau chaude dans laquelle j’ai pris le soin d’ajouter du sel auparavant.
Je mélange avec une cuillère en bois, puis avec les mains lorsqu’elles se plaisent dans la chaleur.
Travail patient pour que les grains soient bien détachés.
Se peut-il que ces grains soient plus précieux que des perles ?
Gestes délicats.
Mes doigts s’enfoncent dans la semoule tiède.
Des sensations multiples.
Des pensées se bousculent au rythme des battements de mon cœur.
Par une sorte d’alchimie, les ondulations de la semoule offrent une fabuleuse fresque avec des signaux qui sentent l’aube de la Vie : un ruissellement de bien-être ; une miséricorde.
Je mets la semoule dans la partie supérieure de la couscoussière qui fait « passoire », dans laquelle la semoule reçoit, pour la cuisson, la vapeur qui monte de la partie basse de la couscoussière, la marmite dans laquelle cuisent la viande et les légumes.[5]
Au bout d’une trentaine de minutes de cuisson, la semoule est répartie de nouveau dans le plat.
Je la rafraîchis d’un bon verre d’eau pour faire gonfler encore les grains et mieux les détacher. Je prends tout mon temps pour mélanger.
L’opération est renouvelée une deuxième fois, en y ajoutant du beurre ou du « smne ».[6]
La viande et les légumes qui cuisent dans la marmite ont eu, bien entendu, à subir mon intervention.
La viande,[7] une fois nettoyée comme il se doit, est coupée en morceaux, mise dans la partie basse de la couscoussière avec des oignons émincés, du persil, de la coriandre[8] hachés, du safran, du poivre, du sel, de l’huile d’olive en quantité suffisante pour avoir une sauce onctueuse à l’arrivée.
Je laisse revenir.
Je verse de l’eau.
La quantité nécessaire.
J’ajoute des tomates coupées en morceaux, des carottes, des navets.
Je laisse cuire, en même temps que les grains de semoule.
Doucement.
Tranquillement.
Toute une vie s’il le faut.
Un peu avant la cuisson, j’ajoute des morceaux de citrouille lavés, coupés, sans enlever la peau, et des fèves fraîches.[9]
Lorsque c’est cuit, j’adjoins au tout le contenu d’une boîte de pois chiches déjà prêts.
Pour servir, je répartis la semoule dans un plat profond.
La viande, les légumes et la sauce par dessus.
Une merveille.
En offrant ce mets, je remercie Allaah pour ce délice et pour Ses infinis bienfaits.
J’ai une pensée pour ma sœur et pour d’autres personnes de ma Matrie[10] qui ont transmis ces saveurs de l’amour.
En effet, s’agissant de la cuisine aussi, il ne faut pas perdre de vue que l’important est que les croyants et les croyantes[11] fassent de leur mieux afin d’être reconnaissants pour les bienfaits qui leur sont offerts par Allaah, et pensent à ceux et à celles qui mettent les saveurs de l’amour dans chaque préparation alimentaire.
Saveurs sans lesquelles les « recettes de cuisine » ne valent rien.[12] 

BOU’AZZA



[1] Elle est décédée en 1970, selon le calendrier dit grégorien.
Elle avait 28 ans.
[2] J’avais 15 ans, je crois.
[3] Où j’ai débarqué pour des études universitaires après le baccalauréat.
J’avais 20 ans lorsqu’elle est morte.
Je n’ai pas été informé par la famille qui ne voulait pas perturber mes études universitaires !
[4] Et d’ailleurs parfois.
[5] Dans cette marmite, on peut mettre seulement de l’eau lorsque la viande et les légumes sont mis dans une cocotte-minute pour ʺgagner du temps.ʺ
[6] Beurre salé et conservé pendant des mois, voire des années.
[7] Poulet de campagne, agneau ou bœuf.
[8] Lqzbour (le ʺrʺ roulé).
[9] On les trouve congelés également.
[10] Omma, communauté.
[11] Almouminoune wa almouminaate.

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