La
cuisine est un thème qui n’est pas simple à étudier.
Comme
d’autres sujets, il a donné lieu, donne lieu, donnera lieu, à d’innombrables
approches.
Ces
approches diffèrent selon les préoccupations, les interrogations, les
orientations, les intérêts, les objectifs, des uns et des autres.
Le
thème de la cuisine met ainsi en mouvement, lui aussi, différentes
interprétations, analyses, pratiques.
La
cuisine au Maroc, par exemple, a été nourrie, est nourrie, sera nourrie, de
divers apports liés aux provenances des populations, à la multiplicité des
ethnies, aux influences dites culturelles, aux différences sociales, et autres,
qui lui ont donné, lui donnent, lui donneront, à travers le temps et l’espace, son
caractère, sa personnalité.
Une
de mes soeurs[1] m’a transmis le goût de
cuisiner.
J’ai
vécu chez elle, son époux, et leurs enfants à Lkhmiiçaate dans les années
soixante.[2]
J’ai
beaucoup appris par la simple observation, et je me débrouillais assez bien
pour l’aider dans ce domaine.
Je me
lançais dans quelques préparations.
Aujourd’hui,
il m’arrive de cuisiner pour mes petits-fils.
Lorsque
je leur fais un couscous, c’est beaucoup plus qu’un plat.
Je
suis comme en communication avec la semoule fine dès que je la libère du
paquet, et que je commence à la caresser en la répartissant dans l’ensemble
d’un grand plat.
Les
sons et les images qui me parviennent font partie d’une immémoriale harmonie.
J’arrose,
avec douceur, la semoule d’eau chaude dans laquelle j’ai pris le soin d’ajouter
du sel auparavant.
Je
mélange avec une cuillère en bois, puis avec les mains lorsqu’elles se plaisent
dans la chaleur.
Travail
patient pour que les grains soient bien détachés.
Se
peut-il que ces grains soient plus précieux que des perles ?
Gestes
délicats.
Mes
doigts s’enfoncent dans la semoule tiède.
Des
sensations multiples.
Des
pensées se bousculent au rythme des battements de mon cœur.
Par
une sorte d’alchimie, les ondulations de la semoule offrent une fabuleuse
fresque avec des signaux qui sentent l’aube de la Vie : un ruissellement
de bien-être ; une miséricorde.
Je
mets la semoule dans la partie supérieure de la couscoussière qui fait
« passoire », dans laquelle la semoule reçoit, pour la cuisson, la
vapeur qui monte de la partie basse de la couscoussière, la marmite dans
laquelle cuisent la viande et les légumes.[5]
Au
bout d’une trentaine de minutes de cuisson, la semoule est répartie de nouveau
dans le plat.
Je
la rafraîchis d’un bon verre d’eau pour faire gonfler encore les grains et
mieux les détacher. Je prends tout mon temps pour mélanger.
L’opération
est renouvelée une deuxième fois, en y ajoutant du beurre ou du
« smne ».[6]
La
viande et les légumes qui cuisent dans la marmite ont eu, bien entendu, à subir
mon intervention.
La
viande,[7] une
fois nettoyée comme il se doit, est coupée en morceaux, mise dans la partie
basse de la couscoussière avec des oignons émincés, du persil, de la coriandre[8]
hachés, du safran, du poivre, du sel, de l’huile d’olive en quantité suffisante
pour avoir une sauce onctueuse à l’arrivée.
Je
laisse revenir.
Je
verse de l’eau.
La
quantité nécessaire.
J’ajoute
des tomates coupées en morceaux, des carottes, des navets.
Je
laisse cuire, en même temps que les grains de semoule.
Doucement.
Tranquillement.
Toute
une vie s’il le faut.
Un
peu avant la cuisson, j’ajoute des morceaux de citrouille lavés, coupés, sans
enlever la peau, et des fèves fraîches.[9]
Lorsque
c’est cuit, j’adjoins au tout le contenu d’une boîte de pois chiches déjà
prêts.
Pour
servir, je répartis la semoule dans un plat profond.
La
viande, les légumes et la sauce par dessus.
Une
merveille.
En
offrant ce mets, je remercie Allaah pour ce délice et pour Ses infinis bienfaits.
J’ai
une pensée pour ma sœur et pour d’autres personnes de ma Matrie[10] qui
ont transmis ces saveurs de l’amour.
En
effet, s’agissant de la cuisine aussi, il ne faut pas perdre de vue que
l’important est que les croyants et les croyantes[11]
fassent de leur mieux afin d’être reconnaissants pour les bienfaits qui leur
sont offerts par Allaah, et pensent à ceux et à celles qui mettent les saveurs
de l’amour dans chaque préparation alimentaire.
Saveurs
sans lesquelles les « recettes de cuisine » ne valent rien.[12]
BOU’AZZA
[1] Elle est décédée en 1970,
selon le calendrier dit grégorien.
Elle avait 28 ans.
[2] J’avais 15 ans, je crois.
[3] Où j’ai débarqué pour des
études universitaires après le baccalauréat.
J’avais
20 ans lorsqu’elle est morte.
Je
n’ai pas été informé par la famille qui ne voulait pas perturber mes études
universitaires !
[4] Et d’ailleurs parfois.
[5] Dans cette marmite, on peut mettre seulement de l’eau
lorsque la viande et les légumes sont mis dans une cocotte-minute pour ʺgagner
du temps.ʺ
[6] Beurre salé et conservé pendant des mois, voire des
années.
[7] Poulet de campagne, agneau
ou bœuf.
[8] Lqzbour (le ʺrʺ roulé).
[9] On les trouve congelés également.
[10] Omma, communauté.
[11] Almouminoune wa
almouminaate.
[12] Je ne fais que reprendre
ce dont j’ai déjà parlé.
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire