La
boutique[1]
constituait une sorte de point de ralliement.
Avec
le temps, cet espace professionnel était devenu aussi une sorte de lieu d’animation
culturelle, de rencontres multiples et variées.
Des
idées y étaient exposées, des événements commentés, des nouvelles apportées,
des informations partagées, des blagues racontées.[2]
Des
personnes de tous les âges, de différentes conditions s’y retrouvaient.
Et ‘Omar,
tout en travaillant, participait à l’ambiance, alimentait et entretenait cette
atmosphère que tout le monde appréciait, et à laquelle les apprentis[3] contribuaient
avec entrain.[4]
« Lm’ellm »,[5] connu
pour son entêtement, était apprécié.
Je
l’appelais « maa ymknch »,[6] parce
que c’était sa réponse à quiconque voulait le faire changer d’avis.
Il
aimait son métier de tailleur.[7]
Un
de mes neveux, enseignant universitaire, journaliste, et auteur d’un livre sur
le roi du Maroc, m’avait envoyé un jour un « mail » où il
écrivait :
« J’aime
visiter « lhanoute ».
Dans
cette petite « boutique », vieille de plusieurs décennies, une
sérénité parfumée de l’histoire authentique, populaire de Khémisset,[10] me
procure une tranquillité sans limite.
Je
regarde cette vieille rue qui résiste encore au temps, je contemple les petits
murs de la « boutique » à l’intérieur, sur lesquels reposent de
vieilles coupures de journaux et de vieux magazines où l’on voit des
« vedettes » du cinéma français portant des costumes des années soixante,
donnés en exemple par le tailleur « chic » et « classe » ».
En
répondant, j’avais écrit, entre autres :
« Ce
que tu écris sur le tailleur, sur sa « boutique » et le reste, parle
à mon cœur et subitement mes yeux s’embrument ».
En 2011
je crois, le tailleur, mon beau-frère, l’époux de l’une de mes soeurs, a eu un
accident vasculaire cérébral[11] qui
l’a paralysé.
Par
la miséricorde d’Allaah, il n’avait pas perdu l’usage de la parole, et sa
mémoire n’était pas atteinte.
Dans
les années soixante, lors d’un séjour en France,‘Omar avait fait un stage, et
obtenu un diplôme, une « reconnaissance professionnelle au niveau
international », dont il était très fier.
Ce
diplôme est accroché au mur de la boutique, fermée depuis l’AVC.
‘Omar
était peut-être le premier tailleur à Lkhmiçaate qui faisait des costumes à
l’européenne, en bénéficiant d’une « reconnaissance professionnelle au
niveau international ».
D’un
premier mariage, il avait eu une fille.[12]
Dans
les années soixante dix, ma sœur de six ans plus âgée que moi,[13]
était divorcée[14] et habitait un logement
en face de lhanoute.
Elle
avait épousé ‘Omar et ils avaient eu deux enfants.[15]
C’était
un mari et un père aimant.
Il
était aussi grand-père.
Son
temps ici-bas s’est achevé, et il a rejoint l’au-delà le lundi 26
décembre 2016.[16]
Que
dire de ce qui s’en va et comment parler de ce qui demeure ?
Que
dire de ce qui cesse et comment parler de ce qui commence ?
Que
dire de ce qui a été et comment parler de ce qui sera ?
« Innaa lillaah wa innaa
ilayh raaji’oune ».[17]
BOUAZZA
[1] Lhanoute.
[2] Le
tout avec les précautions d’usage dans un régime dictatorial.
[3] Ils étaient deux à quatre
selon les périodes.
[4] Il
n’était pas rare que ces rencontres soient agrémentées de thé à la menthe, de
café, de boissons gazeuses, de biscuits et autres.
[5] Celui qui sait, le patron.
[6] Ce n’est pas possible.
[7] Certains l’appelaient
‘Omar alkhiyyaate, ‘Omar le tailleur.
[8] La boutique.
Le lieu où il a toujours exercé son métier.
[9] Selon
le calendrier dit grégorien.
[9] Après ce
qui a été appelé ʺl’indépendance dans l’interdépendanceʺ :
Statut
octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans
les colonies par la multiplication des "États" supplétifs,
subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans
l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces
"États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la
tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge,
le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture,
l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au
Maroc, occupé par la France, l’Espagne, et autres, occupation dite
″protectorat″, le système colonialo-impérialo-sioniste a transformé le sultanat
moribond, en monarchie héréditaire, dite de "droit divin".
Le
sultan, protégé, est alors devenu roi, au service de ce système.
[10] Lkhmiçaate.
[11]
A.V.C.
[12] Épouse et mère, elle vit toujours à
Lkhmiçaate.
[13] Elle
était enseignante.
Depuis
des années, elle est à la retraite.
[14] Elle
avait un fils qui est décédé en 1993 dans un accident de la route.
[15] Un
fils installé en Allemagne, père d’une fille qui vit avec sa mère, et une fille
mariée en France, mère d’un enfant.
[16] 26 rabii’e alawwal 1438.
[17] Le ʺrʺ roulé.
ʺNous sommes à Allaah et à Lui nous retournonsʺ.
Alqoraane (Le Coran), sourate 2 (chapitre 2), Albaqara
(le ″r″ roulé), La Vache, aayate 156 (verset 156).
Dans
sa traduction du Qoraane (le ʺrʺ roulé) Kachriid (le ʺrʺ roulé) note que ʺla formule de consolation citée
dans le verset 156, s’appelle ʺistirjaa’eʺ (le ʺrʺ roulé).
Celui
qui la prononce avec sincérité et conviction y trouve en effet une réelle
consolation dans les moments les plus difficiles.
Quand
on se rappelle qu’on est entièrement la propriété d’Allaah et que c’est vers
Lui que doit se faire notre retour, comment peut-on être écrasé de chagrin
devant la perte des biens éphémères de ce monde ? Quand Allaah nous
reprend un être cher ou un bien auquel nous sommes attachés, Allaah n’a fait
que récupérer ce qu’il nous a prêté par pure bonté de Sa part et sans aucune
contrepartie de la nôtre.
Que
pouvons-nous donner à Celui qui possède toute chose en exclusivité
totale ?ʺ
Salaah
Addiine Kachriid (Salah Eddine Kechrid), traduction du Qoraane (Coran),
Loubnaane (Liban), Bayroute (Beyrouth), éditions Daar Algharb Alislaamii,
cinquième édition, 1410 (1990), première édition, 1404 (1984).
Note
en bas de la page 30.
″Allaah
ne pardonne pas qu’on Lui associe quoi que ce soit et pardonne le reste à qui
Il veut″.
Alqoraane (Le Coran), sourate 4 (chapitre 4),
Anniçaa-e, Les Femmes, aayate 48 (verset 48).
Je ne fait que reprendre beaucoup de ce dont j’ai déjà
parlé.
[17]
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com
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