Plusieurs personnes ont fui précipitamment l’Île-de-France[1]
pour ne pas y être confinées en raison de l’épidémie du coronavirus.[2]
Ayant des logements à la campagne, en Province, dans des
stations balnéaires, et ailleurs, elles ont préféré y aller.
Beaucoup ont rejoint Belle-Île-en-Mer.
Je connais.
L’éducateur en détention avait tenu un carnet de voyage
lors d’un séjour dans cette île.
Il me l’avait prêté, et je n’arrêtais pas d’en prendre
connaissance.
L’éducateur avait fini par m’en offrir une copie que j’ai
gardée, et que je n’arrête pas de lire installée sur mon fauteuil face à
une fenêtre qui permet de voir le ciel :
Le bateau pour la traversée est prévu pour 15h 20.
J’attends avec d’autres.
Sur le bateau, je pense aux enfants qui, quelques années
auparavant, embarquaient à ce même endroit, pour être enfermés dans le camp de
redressement de la colonie pénitentiaire de Belle-Île-en-Mer, le bagne pour
enfants.
La traversée dure environ 45 minutes.
Malgré le calme de la mer, je suis agité.
Comment étaient ces enfants ?
Etaient-ils assis sur un banc comme moi ?
Etaient-ils entassés dans la cale du bateau ?
À quoi pensaient-ils ?
À leur famille ?
À leur quartier ?
À leur région ?
À leurs camarades ?
Nous arrivons à Belle-Ile.
Beaucoup de personnes attendent.
Ces enfants étaient-ils attendus ?
Par qui ?
Des policiers ?
Des surveillants ?
Des éducateurs ? »
Je lis encore :
Cette île – comme d’autres – a servi de lieu de déportation
non seulement d’enfants jugés très dangereux, mais aussi de résistants
d’Afrique – dits terroristes – contre le colonialisme.
Je marche sans les oublier.
Je me mêle, avec d’autres, aux divers éléments qui nous
transportent loin.
Le ciel et la mer se rencontrent, font jaillir d’autres
images, d’autres couleurs, d’autres sons, d’autres formes, d’autres mouvements
et procurent d’autres sensations.
Depuis combien de temps marchons-nous ?
Quelle distance avons-nous parcouru ?
Cela n’a pas d’importance.
Je marche et je sens le souffle qui est en nous.
Le souffle des enfants qui naissent semble être l’écho de ce
souffle.
Cette Marche a commencé depuis longtemps.
Elle continue.
Avec l’éducateur en détention, j’ai appris qu’au temps des
colonies pénitentiaires, les mineurs délinquants étaient souvent considérés
comme une terrible menace et subissaient un traitement qui entretenait
l’exclusion.
Il a souligné que l’image des mineurs délinquants n’a pas
beaucoup changé depuis, en ajoutant qu’elle est même très mauvaise pour ce qui
concerne les mineurs délinquants incarcérés qui sont, pour la plupart liés au
processus migratoire des populations d’Afrique du Nord, et des autres régions
d’Afrique.
Les amalgames et les représentations convenues cultivent et
entretiennent le mépris, l’arrogance, la discrimination, la haine.
Cela je le sais.
Il y a beaucoup à faire, surtout dans les prisons et autres
lieux d’enfermement des mineurs et des majeurs, pour essayer d’expliquer, par
ce qui est accessible à tout un chacun, une approche différente, pour diminuer
l’incompréhension que d’aucuns entretiennent par des agissements et une
phraséologie propres à des êtres qui ont du mal à s’extraire du faux.
À quoi pensent les personnes qui ont regagné
Belle-Île-en-Mer pour ne pas être confinées en Île-de-France ?
Et l’éducateur ?
Est-il toujours de ce monde ?
BOU’AZZA
[1]
Paris et la région parisienne.
[2]
Covid 19.
[3]
Assalaate, assalaa.
[4]
Si Allaah veut.
[4] Texte daté
de 2004 selon le calendrier dit grégorien, à partir d’écrits antérieurs. un peu
adapté aujourd’hui.
Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com
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