La
juge qui a horreur de la délinquance juvénile est toujours à son poste …
Vous
vous souvenez ?
La
rousse, pas le dictionnaire …
Celle
qui malgré ses yeux verts, jette des regards noirs …
Le
petit bout de lingerie dit cul-otte[1] qu’elle
laisse entrevoir entre ses jambes juridiquement écartées a, aujourd’hui encore,
comme c’est souvent le cas, le teint rouge et noir des couvertures du code
pénal et du code de procédure pénale …
Depuis
un moment, elle est accrochée au téléphone et semble jouir en écoutant une
recette de cuisine simplifiée qu’une voix magistrale lui détaille :
- Tu prends une chair tendre et
fraîche.
Comme
tu les aimes.
Tu
l’étends délicatement sur une préparation d’herbe de ton choix.
Tu
penses aux épices aphrodisiaques.
Un
assortiment raffiné.
Tu
laisses mijoter.
À
petit feu.
Le
temps qu’il faudra.
Pas
de précipitation.
Tu
dégustes en douceur …
À la
Maison d’Arrêt, prison, le mineur délinquant qu’elle avait décidé d’incarcérer
la veille pour « violence sur une personne dépositaire de l’autorité
publique », avait moins de seize ans.
Etendu
sur le dos dans sa cellule, il fixait le plafond mais voyait plus loin.
Des
étoiles éclairaient son visage d’enfant …
« Vague
après vague se couvrant et se renouvelant et ajoutant leur vie à la vie tel le
flux de la mer, la marée de l’émotion montait en lui de la pointe de ses pieds
à sa conscience. Et il la laissait monter, le submerger. C’était indicible,
paisible, maternel ».[2]
Il
se voyait dans un village de montagne plein de lumière, au milieu des autres et
du rythme que dégageait un instrument apprivoisé par un vieillard :
« Le
luth, il le fit glisser sur ses genoux en un geste très lent, comme s’il se fût
agi d’un enfant endormi. Les cordes, il les effleura du bout des doigts pour
les réveiller. Puis il leur fit donner de la voix, à plein. Et voici : le
passé rejoint le présent, l’instrument devient aussi vivant que l’arbre plein
de sève qui lui a jadis offert son bois. Quatre cordes en boyau de chat,
tendues à rompre. Placée au centre, la cinquième est en crin de cheval
tressé : le bourdon. Naissant à partir de ce bourdon et y revenant à
intervalles réguliers, à la fois pour y mourir et pour en renaître, monte la langue
de la vie, musicale charnellement ; monte, scande et bat selon
l’alternance du jour et de la nuit, selon le déroulement des saisons, le flux
et le reflux de tous les océans du monde, le déferlement des vents issus des
quatre horizons du ciel ; danse la mélodie de l’arbre du Destin, danse et
vibre en flots ininterrompus de pulsations l’éternité sans durée. Sans néant.[3] ».[4]
BOUAZZA
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