vendredi 7 juillet 2017

FLEUR ...


Ce matin, l’éducateur en détention est plus pensif que d’habitude …
Il y a parfois de curieuses coïncidences …
La veille, un mineur délinquant incarcéré lui a longuement parlé d’une éducatrice qui travaille dans une structure d’hébergement dite foyer d’action éducative,[1] où il a séjourné un certain temps avant son incarcération.
L’éducateur en détention la connaît.
Elle travaille toujours dans la structure d’hébergement.
Elle est originaire de l’autre côté d’Albahr Alabyad Almotawassite.
La Mer Blanche Intermédiaire.
La Mer Méditerranée …
La soldatesque colonialiste continue les massacres …
Les résistants tiennent …
LA RÉSISTANCE.
SAVEZ-VOUS CE QU’EST LA RÉSISTANCE ?
ET QUI VOUS DIRA JAMAIS CE QU’EST LA RÉSISTANCE ?
Des généraux du colonialisme, avec des milliers d’hommes parmi lesquels des Sénégalais, des Maghrébins et autres, enrôlés dans les troupes colonialistes, tentent de mettre fin à la Résistance : celle d’hommes, de femmes et d’enfants déterminés à défendre ce qu’ils ne veulent pas abandonner.
Une volonté ferme.
Une flamme ardente.
Une Foi inébranlable.
Les troupes colonialistes ne comprennent pas comment une telle Résistance est possible.
Des soldats sont saisis d’effroi face aux pertes de plus en plus nombreuses en vie humaines …
Une accalmie …
Un officier est en train de mourir.
Il parvient à sortir deux photos de sa poche.
Sur l’une, il est avec sa jeune épouse, le jour du mariage, devant un édifice sur lequel apparaissent trois mots : Liberté-Egalité-Fraternité.
La devise de la république en France.
L’autre photo est celle de deux enfants.
Les siens.
Il la pose sur sa bouche et rend son dernier soupir ici-bas.
Un groupe avancé de résistants se prépare pour la prière du début de l’après midi.
C’est un bonheur d’avoir encore de l’eau pour les ablutions.
« Quelques gouttes tombèrent sur une touffe sèche […] petite plante misérable, jaune, flétrie et sans vie sous les âpres rayons du soleil. Mais dès que l’eau commença de s’égoutter sur elle, un frisson parcourut ses feuilles recroquevillées qui s’ouvrirent lentement et en tremblant. Quelques gouttes de plus, et les petites feuilles s’animèrent, s’enroulèrent et se redressèrent doucement, en hésitant et frissonnant […]. Encore un peu d’eau sur la touffe d’herbe. Elle s’anima plus vivement, presque avec violence, comme si quelque force mystérieuse la faisait sortir du rêve de la mort. Ses feuilles se contractèrent et s’étendirent comme les tentacules d’une étoile de mer, apparemment saisies par un délire timide, mais irrépressible, véritable petite orgie de joie sensuelle. Ainsi la vie rentra victorieusement dans ce qui, il y a un moment, n’était que chose morte ; elle entrait visiblement, passionnément, avec majesté dépassant l’entendement »[2].
L’accalmie est de courte durée …
Les combats reprennent.
Les forces colonialistes décident d’appliquer un autre plan qui consiste en des bombardements ininterrompus.
Des éléments parmi les troupes du colonialisme sont effrayés devant la résistance de ces populations qui paraissent se confondre et se dissoudre entièrement dans l’espace et qui ont du temps une notion Autre …
Les bombardements font rage.
Sans répit.
Jours et nuits …
Un matin, un résistant, tenant un bébé dans ses bras et le couvrant d’une partie de son selhaam[3], décide avec le reste des enfants, des femmes et des hommes de quitter la montagne. Un nuage voile la clarté du jour.
Ce nuage n’est pas dans le ciel mais dans les yeux des résistants.
Des yeux qu’ils n’ont pas voulu empêcher de se remplir de larmes …
Des saisons ont succédé aux saisons, des événements aux événements. Le bébé a grandi … Il a quitté son bled[4] pour la France …
Les raisons ?
Cette question continuera longtemps à être posée …
En France, il a eu des enfants.
Sa fille est devenue éducatrice dans une structure d’hébergement où les mineurs placés suite à des décisions judiciaires, sont pratiquement tous originaires de l’autre côté d’Albahr Alabyad Almotawassite …
C’est dans cette structure que le mineur délinquant incarcéré a fait sa connaissance …
Ce mineur ne sait pas que le père de cette éducatrice est décédé il y a quelques jours…
Mais il sait qu’elle s’appelle FLEUR …[5]
  
BOUAZZA



[1] FAE.
[2] Mohammad Asad, Le chemin de la Mecque, Paris, Fayard, 1976, p.17.
[3] Selhaam : burnous, manteau.
[4] Bled : blaad, bilaad, pays.
[5] Texte mis sur le net, sans l’illustration, le 30 janvier 2005, selon le calendrier dit grégorien, à partir d’écrits antérieurs.

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