«Pendant
dix-huit ans, des hommes ont vécu enfermés chacun dans une cellule, sans
lumière aucune, ni lampe ni fenêtre. Dix-huit ans dans l’obscurité. [...].
Chaque homme y était seul, mais pouvait entendre les autres parler, gémir,
agoniser, délirer et mourir. [...].
Pendant
dix-huit ans, ces hommes ont vécu dans des cellules de trois mètres
quatre-vingt-dix de long et deux mètres de large, avec pour seul univers une
dalle de ciment en guise de lit, perchée à soixante-quinze centimètres de hauteur
et large d’un mètre, deux couvertures, une assiette, un broc, un verre, un trou
sans eau en guise de toilettes, des vêtements en loques, pas de chaussures pour
la plupart. [...].
Pendant
dix-huit ans, ces hommes n’ont vu âme qui vive en dehors des gardiens – des
militaires des forces armées royales – et, bien entendu, n’ont eu de visite ni
d’avocat, ni de médecin, ni d’infirmier. [...].
Pendant
dix-huit ans, ceux qui ont survécu[1] ont
ainsi supporté l’insupportable [...].»
Vers
la fin du livre, parlant d’un survivant, l’enseignante qui a écrit ces lignes
rapporte en parlant de l’un des bagnards :
«Il
récite le Coran[2]
tout le temps ; il ne sait plus bien où il était ni où il est : il
est avec Dieu[3],
qui l’a sauvé, c’est tout.»[4]
[1] Dans
ce bagne et dans d’autres mis en place par le régime de l’imposture qui
continue de sevir au Maroc, des vers se nourrissent des corps de bagnards qui
ne sont pas encore décédés.
[2] Alqoraane (le ʺrʺ roulé).
[3] Allaah.
[4]
Christine Daure-Serfaty, Tazmamart, une
prison de la mort au Maroc, Paris, Stock, 1992, P. 11, 12, 13, 14, 15.et
194.
J’ai
déjà cité ce texte.
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