Habitué
à s’allonger, pas sur le divan du psy, il pense avec nostalgie à la période
dite de formation où le slogan de ralliement était : « baisons
futés » …
Con-densé[1] d’une
« pensée pénétrante » …
Affalé
devant le dossier d’un mineur délinquant placé par un magistrat dans cette
structure dite d’hébergement, il se demande, deux mois après son arrivée comme
éducateur, combien de temps va-t-il encore rester …
Il
ne comprend rien à ce jeune qui l’insulte copieusement chaque fois qu’il lui
rappelle « le rapport à la loi » … pour l’aider à se
« structurer » … à retrouver ses « repères » … et à
préparer sa « socialisation » …
Il
ne comprend rien à la famille et aux rapports en son sein …
Il
ne saisit pas la place des uns et des autres …
Le
parcours des uns et des autres …
Il
est con-vaincu[2] qu’il ne peut arriver à
rien … mais il ne doit pas le dire …
Les
mites[3]
s’entretiennent et il se doit – dans le cadre du travail d’équipe – de débiter
un baratin de circonstance pour être dans le moule …
Ce
mineur délinquant « met tout en échec » … il est une « patate
chaude », un « incasable »… Suite à un « profond travail
d’équipe » … il a été décidé de préparer une note au magistrat pour
obtenir une « main levée » qui signifie que le mineur doit absolument
aller se faire voir ailleurs …
Lorsque
la flamme faiblit, l’éducateur se rend parfois dans un bar pour retrouver des
collègues « engagés » comme lui …
Dans
la pénombre enfumée, il sirote du whisky-coca-cola, en débattant de « la
contradiction principale et des contradictions secondaires » pour dégager
les positions à adopter au sein de l’administration qui l’emploie, afin que le
saint-dit-cas[4] continue d’entretenir les
mites au logis[5] …
Les
moments au bar le replongent dans des souvenirs d’atmosphères des temps de la
formation … autrefois … jadis … la dialectique de la militance … les
affrontements à coup de citations … les nuages formés par la fumée … les
bouteilles d’alcool vides … les couples qui petit à petit s’éclipsent pour
aller continuer la dialectique sous forme de fornication sur fond de musique à
message et de cris et chuchotements « engagés », avant de sombrer
dans les « bras de Morphée », entourés des condensés de la
« pensée pénétrante » et d’affiches de la « création
cul-turelle » …
« Les
ducs à tiffes »[6] …
Vous
connaissez ?
« Détricoter »,
« retricoter », garder le « fil rouge » …
Vous
vous souvenez ?
Le
whisky-coca-cola aidant, l’éducateur di-vague[7] …
I have a dream …[8]
I have a dream … other …[9]
I
have a dromadaire…[10]
Il
regarde sa paire en train de se déhancher et lance : quel sexe à piles[11] …
puis s’effondre sur l’épaule d’un pote et s’endort …
Des
paroles lui parviennent, il ne sait comment … des paroles d’une chanson douce
que ne lui chantait pas sa mère … mais un Targui,[12]
nomade du désert …
Le
dromadaire qui dort ne voit pas partir la caravane…
Vous
comprenez ?[13]
BOUAZZA
[1] Condensé.
[2] Convaincu.
[3] Les mythes.
[4] Le syndicat.
[5] Les mythologies.
[6] L’éducatif.
[7] Divague.
[8] J’ai un rêve ...
Un certain Martin Luther King avait dit ʺçaʺ aussi.
[9] J’ai un rêve ... autre ...
[10] J’ai un dromadaire...
[11] Sex-appeal ...
[12] Singulier de Touarga (le
ʺrʺ roulé), Touaregs.
[13]
Texte mis sur le net le 25 janvier 2004, selon le calendrier dit grégorien, à
partir d’écrits antérieurs.
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