lundi 29 mai 2017

LIS


Lorsque l’animatrice de l’atelier d’écriture en prison m’a demandé de faire part aux autres mineurs détenus de ce que j’ai écrit, je me suis senti défaillir …
C’est comme si je recevais un poids énorme que mes forces ne pouvaient pas supporter … L’animatrice n’a pas insisté …
Le lendemain, c’est elle qui a décidé de lire son texte :
- « Allongée sur un tapis après une journée bien chargée, elle apprécie le massage de son époux, dont les mains expertes, ont une bonne connaissance de son corps et agissent là où il faut … ».
Et il est arrivé ceci :
les mots se sont mis en mouvement pour faire tomber les murs et cheminer avec moi en plein air.
L’éducateur m’a dit une fois que lui, les mots qu’il aime, le transportent et, de joie, son coeur s’envole comme un faucon …
- «  Bercée par des sons qui emplissent l’espace, son regard semble accroché au milieu du plafond de la pièce que décore un cercle entouré d’une écriture de couleur bleue.
Comme le ciel.
Une phrase calligraphiée par son homme … ».
Les mots continuent de cheminer avec moi.
Leur frôlement me procure une sensation qu’il m’est difficile de décrire …
Je suis au-delà du temps et de l’espace …
- « Elle ferme les yeux et sent en elle une délicieuse coulée de Salaam.
Paix.
Pace.
Peace …
Alors, lentement, elle s’éveille, comme émergeant d’un rêve, prend la tête de son époux entre les mains et l’embrasse sur le front … ».
Tout devient autre …
- « À son tour, il la prend dans ses bras et la couvre de baisers.
Elle est éblouissante.
Belle comme les Univers.
Ses yeux parlent au coeur et à l’esprit.
Sa peau se marie parfaitement avec sa douceur.
Son visage, sa façon d’accompagner sa parole de gestes, son sourire, l’éclat de ses dents, son corps chantent la sérénité.
Deux êtres se répandant l’un dans l’autre, se complétant l’un par l’autre en une mélodie fantastique qu’est l’ÉQUILIBRE.
De cet ÉQUILIBRE témoignent aussi le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, le vent, la mer, les cours d’eau, la terre, les saisons, les animaux, les plantes, l’arbre qui renaît … ».
Je me suis trouvé avec les mots de l’animatrice dans les cimes.
Sa voix, mélangée à celle de l’éducateur, semble, par moments, être la mienne :
- « Son regard fixe de nouveau le milieu du plafond que décore un cercle entouré d’une écriture de couleur bleue.
La phrase calligraphiée par son époux :
L’AMOUR NE MEURT JAMAIS … ».
Ce dont je ne voulais pas faire part aux autres mineurs en détention, pouvait s’écrire ainsi :
Je suis conscient de ma marche.
Le chemin a un point de départ et un point d’arrivée.
Si ma mémoire ne sait pas où donner de la tête par moments, elle se ressaisit …
Je sais que je me dois de parcourir le chemin …
À mon rythme …
Je marche à travers l’espace et le temps, pour un espace et un temps AUTRES …
Tu comprends ?
Je me souviens de DEMAIN.
Toutes les ramifications mènent à l’ÉTERNITE.
La mienne je la rêve LUMINEUSE.
Et toi ?
PAR LE SOLEIL ET SON ÉCLAT …
Trois lettres emplissent l’horizon :
LIS.[1]
  
BOUAZZA





Alphabet brodé par mon épouse.
[1] Texte mis sur le net, sans l’illustration, le 18 janvier 2004, selon le calendrier dit grégorien, à partir d’écrits antérieurs.

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