Lorsque
l’animatrice de l’atelier d’écriture en prison m’a demandé de faire part aux
autres mineurs détenus de ce que j’ai écrit, je me suis senti défaillir …
C’est
comme si je recevais un poids énorme que mes forces ne pouvaient pas supporter
… L’animatrice n’a pas insisté …
Le
lendemain, c’est elle qui a décidé de lire son texte :
-
« Allongée sur un tapis après une journée bien chargée, elle apprécie le
massage de son époux, dont les mains expertes, ont une bonne connaissance de
son corps et agissent là où il faut … ».
Et
il est arrivé ceci :
les
mots se sont mis en mouvement pour faire tomber les murs et cheminer avec moi
en plein air.
L’éducateur
m’a dit une fois que lui, les mots qu’il aime, le transportent et, de joie, son
coeur s’envole comme un faucon …
-
« Bercée par des sons qui emplissent l’espace, son regard semble accroché
au milieu du plafond de la pièce que décore un cercle entouré d’une écriture de
couleur bleue.
Comme
le ciel.
Une
phrase calligraphiée par son homme … ».
Les
mots continuent de cheminer avec moi.
Leur
frôlement me procure une sensation qu’il m’est difficile de décrire …
Je
suis au-delà du temps et de l’espace …
- « Elle
ferme les yeux et sent en elle une délicieuse coulée de Salaam.
Paix.
Pace.
Peace
…
Alors,
lentement, elle s’éveille, comme émergeant d’un rêve, prend la tête de son
époux entre les mains et l’embrasse sur le front … ».
Tout
devient autre …
-
« À son tour, il la prend dans ses bras et la couvre de baisers.
Elle
est éblouissante.
Belle
comme les Univers.
Ses
yeux parlent au coeur et à l’esprit.
Sa
peau se marie parfaitement avec sa douceur.
Son
visage, sa façon d’accompagner sa parole de gestes, son sourire, l’éclat de ses
dents, son corps chantent la sérénité.
Deux
êtres se répandant l’un dans l’autre, se complétant l’un par l’autre en une
mélodie fantastique qu’est l’ÉQUILIBRE.
De
cet ÉQUILIBRE témoignent aussi le ciel, le soleil, la lune, les étoiles, le
vent, la mer, les cours d’eau, la terre, les saisons, les animaux, les plantes,
l’arbre qui renaît … ».
Je
me suis trouvé avec les mots de l’animatrice dans les cimes.
Sa
voix, mélangée à celle de l’éducateur, semble, par moments, être la
mienne :
-
« Son regard fixe de nouveau le milieu du plafond que décore un cercle
entouré d’une écriture de couleur bleue.
La
phrase calligraphiée par son époux :
L’AMOUR
NE MEURT JAMAIS … ».
Ce
dont je ne voulais pas faire part aux autres mineurs en détention, pouvait
s’écrire ainsi :
Je
suis conscient de ma marche.
Le
chemin a un point de départ et un point d’arrivée.
Si
ma mémoire ne sait pas où donner de la tête par moments, elle se ressaisit …
Je
sais que je me dois de parcourir le chemin …
À
mon rythme …
Je
marche à travers l’espace et le temps, pour un espace et un temps AUTRES …
Tu
comprends ?
Je
me souviens de DEMAIN.
Toutes
les ramifications mènent à l’ÉTERNITE.
La
mienne je la rêve LUMINEUSE.
Et
toi ?
PAR
LE SOLEIL ET SON ÉCLAT …
Trois
lettres emplissent l’horizon :
LIS.[1]
BOUAZZA
Alphabet
brodé par mon épouse.
[1] Texte
mis sur le net, sans l’illustration, le 18 janvier 2004, selon le calendrier
dit grégorien, à partir d’écrits antérieurs.
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