samedi 20 mai 2017

TAPIS VOLANT ...


Un jour, l’éducateur en détention que vous connaissez, m’a demandé de lui parler de l’enfance de mon père …
Je n’ai pas su quoi lui dire.
Plus tard, lorsque j’ai demandé à mon père de me parler de son enfance, il n’a pas su quoi me dire.
Au bout d’un certain temps, il a esquissé un sourire que je n’arrive pas encore à décrire avec des mots.
Puis un jour, il s’est mis à raconter :
- Au milieu de l’herbe, des coquelicots et des marguerites qui couvrent le champ derrière la demeure en pisé, nous étions à peine visibles.
Des enfants sans nombre.
J’étais au milieu d’eux.
Nous aimions nous retrouver.
Faire le plein des couleurs et des parfums.
Chanter.
Rire.
Courir.
Passer à travers des nuées d’oiseaux.
Faire voler les cigognes.
S’approcher des vaches.
S’allonger sous le ciel.
Fixer le soleil.
Ma sœur me suivait comme une ombre.
Autour du champ, des arbres couvrent de leur ombrage la piste qu’empruntent des chevaux. Les adultes parlaient parfois de choses graves.
D’arrestations.
De tortures.
De bagnes.
De disparitions …
Ainsi, mon père a commencé à me raconter des choses … « son histoire, son or noir jaillit ».
J’ai commencé à réfléchir sur le parcours de mes parents, à chercher à comprendre des évènements, y compris dans les « songes » …
Le cheval noir était au centre de Roubaix.
Luisant.
Il s’est approché d’une vache blanche ruminant au milieu des pavés.
Même pas un échange de regards.
Le cheval a continué son errance.
Galop vertigineux.
Défilé d’images … « relief, vals, forêts, rivières … ».
Le hennissement a parcouru la terre …
Je marchais entre les marécages du même pas que moi-même.
Sous la pluie.
Le ciel était ouvert.
Je chantais « I am singing in the rain » revue et corrigée par mon inspiration …
Des chœurs reprenaient en Araméen et en Gaulois …
L’eau de la pluie alimentait des ruisseaux rouges …
Comme le sang de mes artères …
Dans un non-droit[1] abri-thé,[2] des voix d’hôtesses de l’air ménopausées et de stewarts cons-typés,[3] s’inquiètent du lent-demain[4] de la conne-science pro-fesse-ionnelle,[5] et appellent au secours l’idée-au-logis[6] syphilisée[7]
Des têtes fumantes autour d’une table croient faire tourner la Terre avec leurs nombrils dont les cordons ombilicaux servent à câbler leur énième chaîne …
Têtes arrogantes car posées sur des êtres qui ne savent pas grand-chose … même pas se débarrasser du caca de leur culotte …
Le poids des maux … le choc des faux taux …
les pères sont ta mère[8] … et avec les ducs à tiffes[9] … ne savent plus coi-f-fer[10]
La pluie s’est arrêtée pour ne pas les noyer …
PARABOLES …
Silence, paix, salaam, pace, peace …
Par le soleil et son éclat …
Je me suis mis à chanter.
À rire.
À courir.
À passer à travers des nuées d’oiseaux.
À faire voler les cigognes.
À m’approcher des vaches.
À m’allonger sous le ciel.
À fixer le soleil.
Ma sœur me suivait comme une ombre.
Avec des enfants sans nombre, j’ai pris de la hauteur pour jouer aux tapis volants tamponneurs …
Mon père nous regardait et disait à ma mère :
- Il tente de retrouver ce qu’il a égaré … comme nous.
Un jour peut être, comme un diamant, dans nos cœurs brillera la Lumière et alors, nous renouerons le fil rompu et aimerons de toutes nos forces ce que nous n’avons pas su aimer …
AIMER À RETROUVER LA RAISON.
Après l’atterrissage de mon tapis volant, je l’ai mis sous le bras et m’apprêtais tranquillement à me diriger vers l’impasse qui mène à mon lieu dit d’hébergement, lorsqu’un énergumène s’est mis au travers de mon chemin :
- Dis mon zami, ti li vends ton tapis ?[11]
Je ne sais pas comment j’ai fait pour l’envoyer aux urgences avec tout le corps à re-taper … je n’ai jamais su l’expliquer à la précieuse éducatrice qui, lorsque j’ai été présenté au tribunal, a fini par me réciter ce que j’ai vu dans ses yeux … avant même qu’elle ne se voit dans les miens …
À l’audience, j’ai demandé un avocat frais, sans vin-aigrette[12] et pas de poulet …
En retenant son rire, la juge a failli s’étrangler … cela aurait encore aggravé mon … K …[13]

BOUAZZA



Tissage réalisé par ma mère.
[1] Un endroit.
[2] Abrité.
[3] Constipés.
[4] Lendemain.
[5] Conscience professionnelle.
[6] L’idéologie.
[7] Civilisée.
[8] Les paires sont amers-es.
[9] L’éducatif.
[10] Quoi faire.
[11] Dis mon ami, tu le vends ton tapis ?
[12] Vinaigrette.
[13] Texte mis sur le net le 6 décembre 2003, selon le calendrier dit grégorien, sans la photo, à partir d’écrits antérieurs.

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