Un
jour, l’éducateur en détention que vous connaissez, m’a demandé de lui parler
de l’enfance de mon père …
Je
n’ai pas su quoi lui dire.
Plus
tard, lorsque j’ai demandé à mon père de me parler de son enfance, il n’a pas
su quoi me dire.
Au
bout d’un certain temps, il a esquissé un sourire que je n’arrive pas encore à
décrire avec des mots.
Puis
un jour, il s’est mis à raconter :
- Au
milieu de l’herbe, des coquelicots et des marguerites qui couvrent le champ
derrière la demeure en pisé, nous étions à peine visibles.
Des
enfants sans nombre.
J’étais
au milieu d’eux.
Nous
aimions nous retrouver.
Faire
le plein des couleurs et des parfums.
Chanter.
Rire.
Courir.
Passer
à travers des nuées d’oiseaux.
Faire
voler les cigognes.
S’approcher
des vaches.
S’allonger
sous le ciel.
Fixer
le soleil.
Ma
sœur me suivait comme une ombre.
Autour
du champ, des arbres couvrent de leur ombrage la piste qu’empruntent des
chevaux. Les adultes parlaient parfois de choses graves.
D’arrestations.
De
tortures.
De
bagnes.
De
disparitions …
Ainsi,
mon père a commencé à me raconter des choses … « son histoire, son or noir
jaillit ».
J’ai
commencé à réfléchir sur le parcours de mes parents, à chercher à comprendre
des évènements, y compris dans les « songes » …
Le
cheval noir était au centre de Roubaix.
Luisant.
Il
s’est approché d’une vache blanche ruminant au milieu des pavés.
Même
pas un échange de regards.
Le
cheval a continué son errance.
Galop
vertigineux.
Défilé
d’images … « relief, vals, forêts, rivières … ».
Le
hennissement a parcouru la terre …
Je
marchais entre les marécages du même pas que moi-même.
Sous
la pluie.
Le
ciel était ouvert.
Je
chantais « I am singing in the rain » revue et corrigée par mon
inspiration …
Des
chœurs reprenaient en Araméen et en Gaulois …
L’eau
de la pluie alimentait des ruisseaux rouges …
Comme
le sang de mes artères …
Dans
un non-droit[1] abri-thé,[2] des
voix d’hôtesses de l’air ménopausées et de stewarts cons-typés,[3]
s’inquiètent du lent-demain[4] de la
conne-science pro-fesse-ionnelle,[5] et
appellent au secours l’idée-au-logis[6]
syphilisée[7] …
Des
têtes fumantes autour d’une table croient faire tourner la Terre avec leurs
nombrils dont les cordons ombilicaux servent à câbler leur énième chaîne …
Têtes
arrogantes car posées sur des êtres qui ne savent pas grand-chose … même pas se
débarrasser du caca de leur culotte …
Le
poids des maux … le choc des faux taux …
La
pluie s’est arrêtée pour ne pas les noyer …
PARABOLES
…
Silence,
paix, salaam, pace, peace …
Par
le soleil et son éclat …
Je
me suis mis à chanter.
À
rire.
À
courir.
À
passer à travers des nuées d’oiseaux.
À
faire voler les cigognes.
À
m’approcher des vaches.
À
m’allonger sous le ciel.
À
fixer le soleil.
Ma
sœur me suivait comme une ombre.
Avec
des enfants sans nombre, j’ai pris de la hauteur pour jouer aux tapis volants
tamponneurs …
Mon
père nous regardait et disait à ma mère :
- Il
tente de retrouver ce qu’il a égaré … comme nous.
Un
jour peut être, comme un diamant, dans nos cœurs brillera la Lumière et alors,
nous renouerons le fil rompu et aimerons de toutes nos forces ce que nous
n’avons pas su aimer …
AIMER
À RETROUVER LA RAISON.
Après
l’atterrissage de mon tapis volant, je l’ai mis sous le bras et m’apprêtais
tranquillement à me diriger vers l’impasse qui mène à mon lieu dit
d’hébergement, lorsqu’un énergumène s’est mis au travers de mon chemin :
-
Dis mon zami, ti li vends ton tapis ?[11]
Je
ne sais pas comment j’ai fait pour l’envoyer aux urgences avec tout le corps à
re-taper … je n’ai jamais su l’expliquer à la précieuse éducatrice qui, lorsque
j’ai été présenté au tribunal, a fini par me réciter ce que j’ai vu dans ses
yeux … avant même qu’elle ne se voit dans les miens …
À
l’audience, j’ai demandé un avocat frais, sans vin-aigrette[12] et
pas de poulet …
En
retenant son rire, la juge a failli s’étrangler … cela aurait encore aggravé
mon … K …[13]
BOUAZZA
[2] Abrité.
[3] Constipés.
[4] Lendemain.
[5] Conscience
professionnelle.
[6] L’idéologie.
[7] Civilisée.
[8] Les paires sont amers-es.
[9] L’éducatif.
[10] Quoi faire.
[11] Dis mon ami, tu le vends
ton tapis ?
[12] Vinaigrette.
[13]
Texte mis sur le net le 6 décembre 2003, selon le calendrier dit grégorien,
sans la photo, à partir d’écrits antérieurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire