mardi 18 juillet 2023

UN JOUR, IL S’ÉTAIT MIS À RACONTER

En prison, dans la partie réservée aux mineurs, l’éducateur, employé du ministère de la justice, qui faisait partie des personnes qui suivaient ma situation en détention, m’avait demandé de lui parler de l’enfance.
Je n’ai pas su quoi lui dire.
Plus tard, je lui avais demandé de me parler de son enfance.
Il n’avait pas su quoi me dire.
Au bout d’un certain temps, il avait esquissé un sourire, puis s’était mis à raconter :
« Au milieu de l’herbe, des coquelicots et des marguerites qui couvraient le champ derrière la demeure, nous étions à peine visibles.
Des enfants sans nombre.
J’étais au milieu d’eux.
Nous aimions nous retrouver.
Faire le plein des couleurs et des parfums.
Chanter.
Rire.
Courir.
Passer à travers des nuées d’oiseaux.
Faire voler les cigognes.
S’approcher des vaches.
S’allonger sous le ciel.
Fixer le soleil.
Ma sœur me suivait comme une ombre.
Autour du champ, des arbres couvraient de leur ombrage la piste qu’empruntaient des chevaux ».
Dans ma cellule, j’avais commencé à réfléchir sur mon enfance.
Je cherchais à comprendre des évènements, y compris dans les « songes ».
Le cheval noir était au centre de la cité.
Luisant.
Il s’était approché d’une vache blanche ruminant au milieu des pavés.
Même pas un échange de regards.
Le cheval avait continué son errance.
Galop vertigineux.
Défilé d’images …
Relief, vals, forêts, rivières.
Le hennissement avait parcouru la terre.
Je marchais entre les marécages du même pas que moi-même.
Sous la pluie.
Le ciel était ouvert.
L’eau de la pluie alimentait des ruisseaux rouges.
Comme le sang de mes artères.
Des têtes fumantes autour d’une table croyaient faire tourner la terre avec leurs nombrils.
Têtes arrogantes, posées sur des êtres qui ne savaient pas grand-chose.
Même pas se débarrasser du caca de leur culotte.
La pluie s’était arrêtée pour ne pas les noyer.
Salaam, paix, pace, peace …
Par le soleil et son éclat.
Je me suis mis à chanter.
À rire.
À courir.
À passer à travers des nuées d’oiseaux.
À faire voler les cigognes.
À m’approcher des vaches.
À m’allonger sous le ciel.
À fixer le soleil.
Ma sœur me suivait comme une ombre.
Avec des enfants sans nombre, j’ai pris de la hauteur pour jouer aux tapis volants.
Mon père nous regardait et disait à ma mère :
- Il tente de retrouver ce qu’il a égaré.
Comme nous.
Un jour peut être, comme un diamant, dans nos cœurs brillera la Lumière et alors, nous renouerons le fil rompu et aimerons de toutes nos forces ce que nous n’avons pas su aimer.
Aimer à retrouver la raison.
Après l’atterrissage de mon tapis volant, je l’avais mis sous le bras et m’apprêtais tranquillement à me diriger vers l’impasse qui menait à mon lieu dit d’hébergement, lorsqu’un énergumène s’était mis au travers de mon chemin :
- Tu le vends ton tapis ?.[1] 
 
BOU’AZZA
[1] Texte mis sur le net le 6 décembre 2003, selon le calendrier dit grégorien, à partir d’écrits antérieurs.
Repris plus d’une fois depuis, un peu modifié. 


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