La personne du service éducatif auprès du tribunal a passé
avec moi moins d’une demi-heure lorsque j’ai été déféré.
Cela lui a suffi pour faire une proposition au magistrat
afin, m’avait-elle précisé, de m’éviter la détention.
Sa proposition était que je sois éloigné de ma famille
(dépassée par mon comportement) et de mon quartier (cause de mes malheurs),
pour être placé dans une structure animée par « les ducs à tiffes » …[1]
C’est ce qu’on appelle, paraît-il, une « alternative à
l’incarcération » …
Le magistrat n’a même pas regardé les papiers concernant
cette « alternative » …
Au vu de mes actes de délinquance, il a décidé de
m’incarcérer.
Il y a des personnes qui, dès qu’il s’agit de suivi de
mineurs dans le cadre des décisions judiciaires, s’excitent sans retenue et se
lancent dans une recherche effrénée d’une structure pour pouvoir faire une
proposition au magistrat et tenter d’obtenir que les mineurs ne puissent pas
rester dans leur famille, ou dans leur quartier.
Ces personnes ont une prédilection pour « les séjours
de rupture » à l’étranger (afin de faire de « l’humanitaire »),
ou en dehors de la région du domicile des mineurs.
Elles connaissent des organismes friands de mineurs à
« socialiser », qui leur rapportent gros. Le suivi de mineurs dans le
cadre des décisions judiciaires permet de se faire du fric en effet.
Que les mineurs soient défavorables aux démarchages de ces
personnes ou que les parents s’y opposent, elles n’en ont cure … elles servent
« les ducs à tiffes » … ça les fait jouir …
Avec l’éducateur chargé de mon suivi en prison, nous avons
parlé de ce que j’ai fait.
De ma famille.
De mon quartier.
Puis subitement, il s’est mis à m’entretenir du conte.
Il a mis en place une activité conte pour les mineurs
délinquants incarcérés.
« Un outil qui permet de créer un lien de soi à soi et
de soi à l’autre […] qui aide à se reconstruire, à se projeter …
Le conte est un voyage intime et collectif qui agit sur le
corps et l’esprit … ».
Avec une fabuleuse patience, l’éducateur en détention a
poursuivi en m’expliquant l’importance de cette activité, « art de la
relation […] qui dévoile que l’espoir, en toutes circonstances, demeure
… ».
Quelques jours plus tard,la nuit, dans ma cellule, je n’ai
pas cessé de penser à la séance du conte prévue pour demain … et au jour de ma
sortie pour retrouver ma famille … mon quartier …[2]
BOUAZZA
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