vendredi 30 juin 2017

L’AUTORITÉ DANS L’ÉDUCATION, LE CAS DES MINEURS DÉLINQUANTS ORIGINAIRES D’AFRIQUE

Jeune, il était, comme disent les « spécialistes », promu à un « bel avenir ».
Les conditions ne manquaient pas pour lui permettre d’aller facilement vers le haut de l’« échelle sociale ».
Mais lui, a préféré ne pas tenir compte de cette « échelle » …
Il n’a pas cherché à « faire carrière », à occuper un « poste important » …
Il a voulu faire de son mieux dans un système de valeurs AUTRE.
Beaucoup de personnes n’ont pas compris et ne comprennent pas …
C’est ainsi …
Est-ce que l’aveugle est comme celui qui voit ?
Comment montrer que la cécité atteint les cœurs ?
Comment partager la lumière du discernement ?
Aujourd’hui, son parcours continue dans une autre fonction dite d’éducateur.
Il agit en détention auprès des mineurs délinquants incarcérés.
Avant cette fonction, il essayait déjà, à partir du thème de l’autorité dans l’éducation, de comprendre pourquoi en France, l’écrasante majorité des mineurs concernés par des décisions judiciaires, sont originaires d’Afrique.[1]
Les éléments de réponse auxquels il a abouti, se trouvent renforcés par son action auprès des mineurs délinquants incarcérés …
L’autorité est au centre de l’éducation.
Traiter des processus de l’éducation, c’est se trouver confronté à l’exercice et aux formes de l’autorité.
Il y a une relation étroite, un lien fort entre les deux.
L’autorité est au carrefour de plusieurs disciplines.
Elle met en mouvement différentes interprétations et donne lieu à de multiples analyses et pratiques.
Elle se nourrit d’innombrables apports.
C’est un phénomène universel.
S’agissant de sa « définition », il est communément admis de dire que l’autorité constitue l’ensemble des relations de commandement et d’obéissance.
Cela traduit la difficulté de la définir dans ses ramifications variées.
Pour ce qui est du domaine de l’éducation, les démarches sont nombreuses aussi.
L’éducation a un rôle d’apprentissage très large qui englobe la capacité de s’abstraire, de prendre de la distance par rapport à l’immédiateté du quotidien.
Il est difficile de parler d’éducation selon Kant en l’absence d’une rupture avec cette immédiateté.
Pour Kant, l’apprentissage par les idées forme la capacité de jugement.
Cette capacité est le fond de l’éducation.
Il s’agit alors de former pour atteindre, par la raison, cette capacité de s’abstraire.
Kant en fait une force spirituelle.
L’opinion se forme dans l’expérience, le jugement[2] dans l’éducation.
L’apprentissage, c’est quelque chose qui force la personne à s’abstraire.
C’est une contrainte.
L’autorité dans l’éducation se rapporte à ce qui est mis en œuvre pour donner du sens au processus de responsabilisation sociale.
S’agissant de ce processus, l’accent est mis sur l’importance pour chaque personne de connaître ses obligations et ses droits.
À partir de cela, on peut s’interroger sur les rapports à l’autorité dans l’éducation des mineurs délinquants originaires d’Afrique,[3] concernés par des décisions judiciaires.
Comment comprendre les mécanismes de ces rapports et leurs implications ?
Les parcours des parents, des familles permettent de saisir les mécanismes des rapports de ces mineurs délinquants à l’autorité dans l’éducation.
Ces parcours éclairent des trajectoires et contribuent à expliquer des implications.
Les trajectoires de vies de ces mineurs délinquants s’articulent avec des histoires des parents, des familles.
Le travail sur les rapports de ces mineurs délinquants à l’autorité dans l’éducation ne peut pas écarter les effets du colonialisme, de l’impérialisme et de leurs agents.
La fin des empires coloniaux ne signifie pas la disparition des effets du colonialisme, de l’impérialisme et de leurs agents.
Ces effets sont partout et concernent des domaines infinis.
En traitant de l’autorité, on a recours aux termes d’auctoritas et de potestas.
Le premier terme est référé à un système de valeurs, à un système d’échanges.
Il renvoie aux fondements, à la compétence, à la transmission, au respect, à l’ascendant.
Le deuxième terme est référé à la contrainte, à la possibilité de sanctionner et d’exclure.
La potestas repose sur le groupe et les besoins du groupe imposent des limites.
Elle renvoie au pouvoir.
L’auctoritas et la potestas constituent l’autorité.
Les différences qui les concernent n’occultent pas leur complémentarité qui forme une sorte d’interaction dialectique, des liens qui construisent l’équilibre.
La distorsion entre l’auctoritas et la potestas entraîne des problèmes.
Les explications de cette distorsion sont à chercher dans les parcours des parents, des familles.
L’histoire des mineurs délinquants originaires d’Afrique ne commence pas en France.
Elle ne commence donc pas à l’installation des parents dans ce pays.
Il faudrait remonter au moins à la période coloniale pour essayer de saisir ce processus.
En effet, les parcours de personnes ayant des attaches avec le phénomène migratoire africain[4] sont liés à cette donnée.
La période coloniale a modifié des modes de vie des populations colonisées.
Des modes d’organisation ont été transformés.
Des valeurs aussi.
D’autres critères ont été introduits.
Des rapports différents au temps et à l’espace ont vu le jour.
Un nouvel ordre des choses a été instauré, avec des données qui ont contribué à changer la réalité et les représentations.
La période coloniale, il ne faut surtout pas l’oublier, a bouleversé les données dans de multiples domaines.
L’appropriation des biens des pays colonisés, en violation de leurs droits et en bafouant les lois, qui a constitué un des fondements de la domination, et les moyens utilisés à cet effet, ont engendré de profondes transformations.
Des populations entières furent tenues de chercher de quoi subsister dans des conditions imposées par la nouvelle situation.
Ces populations, pour la plupart rurales, se sont trouvées dans des banlieues de villes nouvelles, contraintes d’essayer de s’adapter à d’autres modes de vie.
Ces populations ont connu la transplantation forcée dans les pays d’origine avant que les circonstances ne les poussent à les quitter parfois.
De nombreux ascendants de mineurs délinquants concernés par des décisions judiciaires ont connu cela.
Le système néo-colonial, dit des « indépendances », mis en place par la suite, a accéléré les migrations vers les « anciennes » métropoles.
Les parcours des personnes transplantées sont marqués par des ruptures, des conflits, des changements qu’il n’est pas aisé de saisir dans le détail.
Des questions de toutes sortes en découlent.
Les incidences sont variées.
Elles touchent bien entendu les fonctions parentales et les modes d’organisation familiale. Elles agissent évidemment sur l’auctoritas et la potestas.
La France a eu recours massivement à la main d’œuvre africaine et autre.
Dans les années quatre-vingts, des immigrés, dans le cadre du regroupement familial, ont été autorisés à faire venir leurs femmes et leurs enfants.
Beaucoup continuent d’essayer d’arriver et de s’établir en France ou dans d’autres pays, même s’il n’est plus fait appel à eux, pour avoir des possibilités de vivre, fuyant les misères des pays d’origine.
Certains trouvent des femmes dans les pays d’immigration et font des enfants.
Lors de ce processus, parmi toutes ces personnes, nombreuses sont celles qui, en France, sont aujourd’hui françaises.
D’autres le seront demain.
Toutes ces personnes se trouvent dans des situations et environnements qui leur demandent de nouvelles pratiques, d’autres modes de vie, d’autres attitudes par rapport à des croyances, à des convictions, à des traditions et autres.
Elles sont tenues de faire face à des changements continus pour lesquels ils ne sont pas ou peu outillés, et d’essayer de s’adapter, sans cesse, à des remaniements successifs dans des contextes difficiles.
Dans les sociétés d’origine, les parents ont eu à connaître des manques dans de multiples domaines.
Leurs familles ont connu l’exode pour chercher  à survivre comme elles peuvent, logées dans des bidonvilles ou des habitats du même genre, maintenues dans l’ignorance, sans formation, sans soins, sans sécurité, sans perspectives et sans beaucoup d’autres choses.
Les enfants subissent ces manques.
Cela n’est pas sans conséquences sur l’autorité dans l’éducation.
Les parents, qui ont eu des difficultés dans le nouveau type d’échange inhérent à la période coloniale et néo-coloniale dans les sociétés d’origine, n’échappent pas aux difficultés dans la société d’accueil.
Ils ne se sentent pas capables d’introduire leurs enfants dans le système d’échange.
Ils savent qu’ils n’ont pas la compétence requise et se sentent, petit à petit, dépossédés des attributs du pouvoir que confèrent les fonctions de parents.
Ils se trouvent, par la force des choses, soumis en France à d’incessantes pressions, dans d’innombrables domaines, pour s’inscrire dans un schéma que la société d’accueil veut imposer.
Les déséquilibres s’accentuent.
Et au sein des familles, la dislocation des couples et la désagrégation des liens se multiplient. Penser la famille devient complexe.
Cela n’est pas sans effets sur l’individu, sur la société et donc sur l’autorité dans l’éducation. Ceci d’autant plus que beaucoup de parents originaires d’Afrique, comme l’immense majorité des populations de ce continent, subissent les ravages de la corruption, les horreurs de la cupidité et les souffrances imposées par la cruauté des régimes africains en place.
Ces régimes répandent la crainte, la peur, la terreur.
Pour eux, la légitimité et la loi se résument à l’oppression et aux pratiques tyranniques.
Les déséquilibres concernant l’autorité dans l’éducation deviennent alors très graves.
La confusion se généralise et toutes les dérives deviennent possibles.
Il en est ainsi dans les trajectoires des mineurs délinquants originaires d’Afrique.
La situation est appelée à se compliquer.
Tout reste à décoloniser
Décoloniser « les ducs à tiffes »,[5] n’est pas le plus simple …[6]
  
BOUAZZA



[1] Afrique du Nord et autres régions d’Afrique.
[2] Juger bien.
[3] Afrique du Nord et autres régions d’Afrique.
[4] Afrique du Nord et autres régions d’Afrique.
[5] L’éducatif.
[6] Texte mis sur le net le 10 novembre 2004 selon le calendrier dit grégorien, à partir de travaux antérieurs.

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