Un
jeune de dix-sept ans a été incarcéré.
Il
vient d’une cité de banlieue classée comme lieu de perdition et repaire de
sauvageons par l’arrogance d’idéologies mensongères et trompeuses de tous
bords.
Mandat
de dépôt d’un mois.
À la
Maison d’Arrêt, c'est-à-dire en prison.
Il a
toujours contesté l’argumentation utilisée pour son incarcération.
L’éducateur
chargé de son suivi en détention a fait une « note de situation » au
magistrat pour mettre en relief certains éléments.
Ils
n’ont pas été pris en compte par le magistrat qui a décidé de renouveler le
mandat de dépôt.
À la
fin du deuxième mois, le mineur incarcéré est sorti de prison.
La
loi ne permet pas au magistrat de prolonger encore le mandat de dépôt.
Détention
préventive.
Le
jugement aura lieu plus tard …
La
sortie du mineur n’est pas passée inaperçue.
À la
cité, le soir même, « on fêta l’événement par le régal des régals :
le boundouk[1], un chaudron géant où très
longtemps un mouton entier avait mijoté et libéré le jus de sa viande, de ses
os et de ses tripes; à mi-cuisson, on lui avait adjoint une brassée de légumes
et quelques épices connues des montagnards seuls, c’est-à-dire un choix
harmonieux de ce qui avait poussé sur terre et sous terre, à proportions égales
de saveurs avec le suc du ruminant. Et maintenant, découpée en quartiers, abats
fumants par-dessus, la viande était servie dans un plateau en bois d’arganier
large de deux enjambées d’homme. Deux autres plateaux tout aussi immenses
contenaient respectivement les légumes et un dôme de grains d’orge verts,
tendres, cueillis juste avant la maturation et que des douzaines de mains de
femmes avaient cuits sur un treillis de doum, à la fumée d’un feu de bois. Au
son des tambours, des flûtes et des cymbales qui dialoguaient de crête en
crête, on formait religieusement une boule de boundouk avec quelques légumes et
un morceau de viande, on l’arrosait d’une louchée de bouillon, et puis on
mastiquait dans le recueillement d’une prière muette à la Mère Nourricière,
yeux fluides, narines palpitant d’émotion ».[2]
Le
chat des voisins participe à la fête.
Il
est connu.
Les
autres matous aussi.
Subitement,
une sorte d’émotion enveloppe l’assistance.
Le
chat semble faire de gros efforts pour permettre à chacun de garder de lui ce
qu’il y a de mieux …
Il
semble au bout du chemin ici-bas.
Au
loin, des reflets dans le fleuve prennent des formes et des couleurs
particulières.
Pendant
un instant, le silence s’est instauré … comme pour écouter ce chat qui paraît
dire par son regard :
« Les
uns partent, les autres arrivent.
C’est
ainsi.
Nous
nous devons d’assumer le destin … ».
Dans
un coin, le mineur sorti de prison pense à son arrestation …
Il
était parmi la multitude.
Une
manifestation contre les systèmes colonialo-impérialistes et leurs serviteurs …
Il
marchait …
« Et
marche aujourd’hui et marche demain, à force de marcher on fait du
chemin ».
Un
immense souffle est en lui.
Le
souffle de l’enfant qui naît semble être l’écho de ce souffle …
Le
souffle de la résistance …
La
corruption, la servilité, les compromissions, les mensonges, les trahisons, les
viols, les crimes, les massacres, les tortures, les horreurs …
De
la cendre qu’emporte le vent un jour d’orage.
LA
RÉSISTANCE.
SAVEZ-VOUS
CE QU’EST LA RÉSISTANCE ?
ET
QUI VOUS DIRA JAMAIS CE QU’EST LA RÉSISTANCE ?
‘Omar,
débordant de Foi, répand son énergie et son endurance …
Un
cheval noir s’éloigne …
Une
vache continue de ruminer …
Une
montagne explose déversant des bisons …
Géronimo,
redevenu enfant, entonne le chant de la louange …
Les
ombres se rassemblent à l’Appel …
Elles
refluent comme des vagues puis remontent …
Avec
d’autres, le mineur a pris une banderole.
Ils
ont dessiné un rire d’enfant …
« Les
forces de l’ordre » avaient mobilisé d’énormes moyens de répression pour
empêcher ce rire d’éclater …
Le
mineur, avec d’autres a été arrêté et incarcéré pour « incitation à la
haine ».
Le
chat le fixe.
Il
se voit dans ses yeux et il se voit dans les siens.
Il
lit en lui et sait, de source sûre, qu’il sent les événements qui se préparent
… qui pointent déjà à l’horizon … et que perçoivent ceux qui, comme lui, savent
voir avec le cœur.
« La
cécité n’atteint pas les yeux, mais les cœurs qui sont dans les
poitrines ».
Il
est serein et sait qu’il est ce qu’il doit être …[3]
BOUAZZA
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