dimanche 4 juin 2017

PRIMAVERA ...


Albahr Alabyad Almotawassite.
La Mer Blanche Intermédiaire.
La Mer Méditerranée.
L’éducateur en prison connaît bien.
Ils se fréquentent depuis longtemps.
Ici et ailleurs.
Ils viennent de passer une semaine ensemble.
En Italie.
À Bordighera.
La Côte des Fleurs, la Riviera dei Fiori.
La terre des couleurs, la terra dei colori.
Les brochures touristiques ne peuvent pas ne pas le dire.
L’éducateur en prison m’en a montré quelques-unes.
Il m’a montré également des photos de la Mer Méditerranée.
Superbe.
Belle comme les Univers.
Il la prend toujours avec recueillement.
Ça se sent.
À sa manière de m’en parler, il me fait cheminer en Ligurie …
Liguria …
Je suis là-bas, et je me régale …
Quand il s’exprime, je vois les mots qui l’aident à s’adresser à moi, à partager de ce qu’il y a en lui et qui remonte à l’aube de la Vie …
Les mots qu’il emploie, je peux les toucher, les garder à mes côtés, leur demander de m’accompagner …
Et eux me connaissent …
D’autres mineurs délinquants incarcérés ressentent ce que je dis …
Nous nous sommes mis à discuter de Bordighera, la ville lumineuse où les palmiers se plaisent.
C’est quelqu’un paraît-il, au 12ème siècle, de retour d’Orient, qui a pensé que les palmiers se sentiraient bien dans un tel cadre.
Il a eu raison.
Des orangers, des citronniers, des bananiers, des mimosas et surtout des oliviers tiennent compagnie aux palmiers.
Des merveilles dont les murmures d’Amour embaument l’air et rendent la mer encore plus parfumée.
L’éducateur en prison parle du parfum de la mer et je sens ce parfum sur ma peau.
Il parle de l’huile d’olive de la Ligurie, de la gastronomie et les odeurs des mets les plus succulents se répandent partout.
En retrouvant son air de conteur, hérité de ses ancêtres, pas les gaulois, ni les romains, les autres, il m’offre une recette de cuisine Ligurienne adaptée par ses soins.
Il ragû di coniglio colle olive.
Le tajiine de lapin aux olives.
« Tu prends un lapin de Ligurie.
Je ne saurai jamais te dire ce qu’est un lapin de Ligurie.
C’est encore autre chose que la succulence d’un agneau de montagne, ajoutée aux délices de coquelets de terroir que la mère de ta mère faisait mijoter toute la nuit, à feu doux, au milieu d’un trésor d’aromates et d’épices, pendant que le père de ta mère labourait son champ dans l’extase partagée …
Tu prends donc ce lapin, tu te procures des olives, des oignons, du céleri, du romarin, du thym, du laurier, du poivre et de l’huile d’olive extra-vierge.
Tu fais revenir dans l’huile les herbes et les oignons finement coupés, le temps qu’il faudra. Tu ajoutes les morceaux de lapin avec le thym, le laurier et ce qu’il faut d’eau pour avoir une sauce délicieuse à l’arrivée.
Tu laisses cuire.
Doucement.
Tranquillement.
À feu caressant.
Tu laisses cuire toute une vie s’il le faut.
Lorsque c’est cuit, tu ajoutes les olives.
Et au moment de manger, tu invites ceux et celles qui peuvent faire honneur à ces bienfaits dans la joie et la reconnaissance.
Cela va sans dire que j’en fais partie … mais ça va encore mieux, en le disant … ».
Tout cela aiguise en moi une sérieuse envie d’épouser une Italienne.
J’en parle à l’éducateur en prison qui ne me désapprouve pas, me rappelle un peu le sens du mariage et me précise que la femme est une parure pour l’époux et que l’homme est une parure pour l’épouse.
Ça vous dit quelque chose ?
Il me souhaite une union bénie et se met à me parler de l’arbre béni, l’olivier, qui n’est ni d’Orient, ni d’Occident … puis enchaîne sur l’Italienne qui sera mon épouse en l’imaginant aussi délicieuse, aussi pulpeuse, aussi juteuse que l’olive de la Ligurie … Cette olive célèbre per il suo olio extra vergine, pour son huile extra-vierge … encore plus vierge que vierge …
Dans une des brochures touristiques sur Bordighera, l’éducateur en prison a laissé une feuille manuscrite :
« La mer et le ciel se rejoignent, font jaillir des images, des couleurs, des formes, des mouvements … une vision AUTRE … j’apprends à voir avec les yeux du cœur … je suis plein de reconnaissance pour cette coulée de Paix … ce ruissellement d’Amour … cette infinité de bienfaits qui me sont généreusement offerts …
Je chemine depuis l’aube de la Vie pour approfondir le Sens et le Lien …[1]

BOUAZZA



[1] Texte mis sur le net, sans l’illustration, le 20 mars 2004, selon le calendrier dit grégorien, à partir d’écrits antérieurs.

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