‘Abd Lkriim.[1]
Sa déportation dans l’Ile de la Réunion a donné lieu à un
affrontement entre deux thèses développées par des responsables du colonialisme
français.
Faut-il le déporter avec seulement quelques proches, ou le
déporter avec les survivants parmi les résistants indigènes de sa région pour
peupler l’Ile de l’océan Indien et lui permettre par cet apport, un essor au
profit du colonialisme français ?
La peur de voir les populations de l’Ile devenir
musulmanes, a fait que c’est la première thèse qui a été retenue.[2]
Mohammad Ben ‘Abd Lkriim Lkhttaabii,[3]
dirigeant de la résistance au Nord du Maroc,[4]
dans la région du Rif,[5]
passera 21 ans, déporté avec quelques proches, dans l’Ile de la Réunion, colonisée
par la France.
Dans les arrangements entre les puissances colonialistes
pour le partage de l’Afrique, l’Espagne s’est vu reconnaître par la France des
droits sur le Nord du Maroc.
En 1921,[6]
l’armée espagnole a engagé dans la région des dizaines de milliers de
militaires, commandés par le général Sylvestre, afin d’écraser la résistance
des populations du Rif et son dirigeant Mohammad Ben ‘Abd Lkriim Lkhttaabi.
C’est la bataille dite d’Anoual.[7]
L’armée colonialiste de l’Espagne est décimée.
La résistance menace toute l’entreprise du colonialisme au
Maroc.[8]
La France prête main forte à l’Espagne.
Dans les années 1925-1926, les troupes du général Billotte
et du colonel Giraud font ce qu’elles peuvent.
Le général Naulin prend le commandement des opérations
coordonnées par le maréchal Pétain qui négocie à Madrid avec le général Primo
de Rivera, la collaboration Franco-Espagnole[9] contre la résistance au Maroc.[10]
La France et l’Espagne concentrent des centaines de
milliers de militaires dotés d’un matériel de destruction terrifiant, appuyés –
à l’époque déjà – par plusieurs escadrilles d’aviation.
Un horrible carnage est commis.[11]
En 1926, Mohammad Ben ‘Abd Lkriim Lkhttaabii est déporté
dans l’Ile de la Réunion.
Lors d’un été à Nîmes,[12]
au Sud Est de la France, j’ai fait la connaissance d’un couple de retraités.
Des voisins.[13]
Le mari, d’origine d’Italie, aimait faire visiter sa
maison, construite par lui-même, et le jardin dont il s’occupait avec art.
Son épouse, originaire de l’Ile de la Réunion, était toute
contente de nous recevoir un soir à dîner, et de nous préparer un plat de
là-bas.
Je me suis mis à leur parler de ‘Abd Lkriim.[14]
De la résistance.
De la déportation dans l’Ile de la Réunion.
Calmement, la dame m’avait regardé et avait dit :
- «Lorsque j’étais enfant à l’Ile de la Réunion, je jouais
avec les enfants de la famille du résistant du Maroc».[15]
En 1947, lors d’une escale pendant un transfert en bateau,
‘Abd lkriim a pu rester en Egypte,[16]
où il a poursuivi la lutte contre le colonialisme qui continuait le massacre
des indigènes un peu partout.
Jusqu’à son décès, il a refusé de retourner au Maroc de
«l’indépendance dans l’interdépendance»[17]
où les indigènes étaient encore haïs, méprisés, humiliés, écrasés – et le sont
encore – par un système dont c’est la fonction.
La résistance continue.
Depuis l’aube de la Vie.
Depuis toujours.
Partout.
Ainsi sont les jours qu’Allaah, Le Généreux, répartit entre
les êtres.
Savez-vous qui sont les perdants ?[18]
BOUAZZA
[1]
Le serviteur du Généreux : ‘Abd Alkariim (le ʺrʺ roulé).
[2]
Le choix de la deuxième thèse aurait peut-être
modifié le cours des événements.
[3] Mohammad Ibn ‘Abd Akariim Alkhttaabii.
[4]
Lmghrib,
Almaghrib (le ʺrʺ roulé).
[5]
Arriif, Rriiff
(le «r» roulé).
[6]
Selon le calendrier dit grégorien.
[7]
Nom du lieu.
[8] La République du Rif a été proclamée en 1921 avec à sa
tête, le serviteur du Généreux.
[9] Pour défendre la
ʺLibertéʺ, la ʺCivilisationʺ et la ʺConscience Universelleʺ selon l’étable de
la loi des massacreurs des résistants.
[10] En 1924, Lyautey, premier Résident Général du colonialisme
français au Maroc a déclaré, concernant ce dirigeant de la résistance :
C’est un champion de l’indépendance musulmane qui se lève
sur notre front Nord. Il ne saurait se produire pour notre établissement au
Maroc de facteur plus défavorable que l’instauration, à si faible distance de
Fès, en bordure de la méditerranée, d’un groupement musulman autonome,
modernisé et appuyé par des populations guerrières...ʺ.
[11] Franco, ʺfils de Pétainʺ, va s’illustrer dans les horreurs
auxquelles il n’a pas manqué de recourir pour conquérir la présidence de son
pays.
Et le système du Maroc de ʺl’indépendance dans
l’interdépendanceʺ va également s’illustrer dans les horreurs contre les
populations du Rif et les populations des autres régions.
[12]
Il y a quelques années, j’y allais, avec mon épouse
et nos enfants, pour des vacances en été.
[13]
De vacances.
[14]
Mohammad Ibn ‘Abd Alkariim Alkhattaabii est né au
Nord du Maroc, à Ajdir (le ʺrʺ roulé) en 1882.
Il est décédé en Egypte, au
Caire, Alqaahira (le ʺrʺ roulé), en 1963.
[15]
Quelqu’un d’autre, enfant aussi à cette époque dans
l’Ile de la Réunion, devenu avocat à Paris, avait dit qu’il avait mangé son
premier couscous, chez la famille du serviteur du Généreux.
C’étais Jacques Vergès.
[16]
Miçr (le ʺrʺ roulé).
[17] Statut
octroyé par le système colonialo-impérialo-sioniste, et qui s’est traduit dans
les colonies par la multiplication des "États" supplétifs,
subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission et de servilité dans
l’exécution des ordres des métropoles et autres employeurs.
Ces
"États" sont fondés sur l’imposture, le crime, la trahison, la
tromperie, la corruption, l’injustice, la perversion, la débauche, le mensonge,
le pillage, l’oppression, l’exploitation, le viol, la tyrannie, la torture,
l’enfermement, la négation de l’être humain.
Au
Maroc, occupé par la France, l’Espagne, et autres, occupation dite
″protectorat″, le système colonialo-impérialo-sioniste a transformé le sultanat
moribond, en monarchie héréditaire, dite de "droit divin".
Le
sultan, protégé, est alors devenu roi, au service de ce système.
[18]
Texte daté de 2006.
Je ne fais que reprendre ce dont j’ai déjà parlé.
[18] Voir :
http://deshommesetdesfemmes.blogspot.com
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